Espagne : l’indépendance de la Catalogne est l’arbre qui cache la forêt de la lutte de classe.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date

Octobre 2017 ; Vendémiaire 226

Auteur

Robin Goodfellow

Version

V 1.1

 

 

SOMMAIRE

SOMMAIRE.. 2

1.             La question nationale en Europe.. 3

2.            Le projet d’indépendance de la Catalogne.. 6

3.            Les partis en présence.. 10

4.            Pour une position autonome du prolétariat.. 13

 

1.           La question nationale en Europe

La perspective de création de nouveaux petits Etats en Europe n’est pas favorable aux intérêts du prolétariat. Au lieu d’aller vers une plus grande unification des territoires, des marchés, des législations sur le travail, des conditions de production, on assisterait à un morcellement plus grand, à la création de nouvelles frontières, de nouvelles monnaies nationales, de nouveaux appareils d’Etat avec tout ce que cela implique en termes de ponction par l’impôt pour alimenter bureaucraties et forces de répression.

D’un autre côté, dans le cas où une telle création peut mettre fin à l’oppression d’une nation par une autre, alors elle institue la perspective d’une plus grande démocratie en débarrassant le prolétariat d’une question qui fait obstacle à son émancipation. Depuis 1871, qui a marqué un apogée du mouvement de réunification (unités allemande et italienne), le nombre d’Etats en Europe n’a cessé de croître. La fin des empires ottoman, austro-hongrois, russe et allemand après la première guerre avait abouti à la création de nombreuses nations. La chute de L’URSS qui avait en partie reconstitué l’empire russe à la suite de la deuxième guerre mondiale a relancé ce processus.

Les remaniements politiques et géographiques issus de la chute des faux socialismes de l’Est ont donc abouti à la création de nouveaux Etats en Europe : Serbie, Croatie, Slovénie, Monténégro, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, Kosovo, Lettonie, Lituanie, Estonie, Biélorussie, Ukraine, Moldavie, Slovaquie, République tchèque. Cependant, le but d’une grande partie de ces Etats – dont certains n’avaient jamais eu d’existence historique – et qui est une condition fondamentale pour leur viabilité est l’adossement à l’Union Européenne sinon à la zone euro[1].

Pour le marxisme, le principe du droit à l’auto-détermination n’est pas un principe abstrait qui peut s’appliquer à n’importe quelle situation historique et à n’importe quel peuple. Il dépend de chaque situation géo-historique particulière et doit s’inscrire dans la politique du prolétariat international. Par le passé, par exemple, le parti prolétaire a dénié le droit à la nation tant aux Tchèques qu’aux Slaves du sud.

Ainsi l’expression « droit des peuples » ne signifie pas que n’importe quelle nationalité ou minorité ait la possibilité historique, à tout moment, de revendiquer et a fortiori d’obtenir son émancipation en tant que nation. Tout dépend des circonstances historiques. Du côté du prolétariat, l’appui à donner ou non à de telles revendications ne relève pas non plus de l’application d’un principe abstrait mais découle d’une analyse de la situation qui sera la plus favorable au prolétariat, et comme classe du territoire concerné et comme force internationale.

Par le passé, Marx et Engels considéraient deux éléments, qui pouvaient se combiner entre eux. Le premier concerne l’effet que pourrait avoir la libération d’une nation sur la nation dominante et les impacts sur l’équilibre international. Par exemple, la lutte des irlandais contre la principale puissance capitaliste, l’Angleterre, ou encore la constitution de la Pologne comme nation indépendante au 19° siècle, ce qui affaiblissait le tsarisme, rempart de la réaction en Europe. Le deuxième relève du combat pour la « conquête de la démocratie » ; en conquérant la république démocratique comme « ultime terrain de lutte » contre la bourgeoisie, le prolétariat élimine un obstacle sur le chemin de son autonomie comme classe et rend toujours plus évident l’antagonisme fondamental entre le capital et le travail, entre la bourgeoisie et le prolétariat.

 

Ainsi, du point de vue du prolétariat, on peut avoir ou ne pas avoir ce droit, en tant que nation ; on peut décider de ne pas utiliser ce droit (et se satisfaire, par exemple d’une large autonomie ou décider de rejoindre un ensemble plus vaste) ; et, au sein de l’ensemble national, le parti prolétarien peut juger que la solution d’un état n’est ni propice, ni favorable à ses intérêts et se refuser à prendre part à la solution nationale. Naturellement, la question du rapport de forces, notamment au niveau international, est ici primordiale.

Tout au long de l’année 2017, en préparation du référendum du 1er octobre, on a vu circuler sur nombre de sites et blogs indépendantistes, y compris anarchistes ce qui est comique, le texte de Lénine de 1916 «  La révolution socialiste et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »[2]. Or il est une précision importante que donne Lénine quant à la différence entre disposer de ce droit et l’exercer.

 

« Le droit des nations à disposer d'elles-mêmes signifie exclusivement leur droit à l'indépendance politique, à la libre séparation politique d'avec la nation qui les opprime. Concrètement, cette revendication de la démocratie politique signifie l'entière liberté de propagande en faveur de la séparation et la solution de ce problème par la voie d'un référendum au sein de la nation qui se sépare. Ainsi, cette revendication n'a pas du tout le même sens que celle de la séparation, du morcellement, de la formation de petits Etats. Elle n'est que l'expression conséquente de la lutte contre toute oppression nationale. Plus le régime démocratique d'un Etat est proche de l'entière liberté de séparation, plus seront rares et faibles, en pratique, les tendances à la séparation, car les avantages des grands Etats, au point de vue aussi bien du progrès économique que des intérêts de la masse, sont indubitables, et ils augmentent sans cesse avec le développement du capitalisme. Reconnaître le droit d'autodétermination n'équivaut pas à reconnaître le principe de la fédération. On peut être un adversaire résolu de ce principe et être partisan du centralisme démocratique, mais préférer la fédération à l'inégalité nationale, comme la seule voie menant au centralisme démocratique intégral. C'est précisément de ce point de vue que Marx, tout en étant centraliste, préférait même la fédération de l'Irlande avec l'Angleterre à l'assujettissement forcé de l'Irlande par les Anglais. » (Nous soulignons)

 

Lénine relie explicitement ce droit à l’élargissement de la démocratie dans l’Etat, chose que n’avait absolument pas comprise Rosa Luxembourg dans son évaluation de la question nationale. Il ne s’agit donc pas d’une question abstraite, déconnectée de la lutte générale pour conquérir le « terrain de lutte » favorable au prolétariat, mais de favoriser les meilleurs choix pour lever les obstacles à l’expression de son autonomie de classe. De ce point de vue, la création d’un nouvel Etat catalan constitue une régression pour le prolétariat de Catalogne et d’Espagne, mais la non reconnaissance du droit à l’exercer crée un abcès de fixation durable sur la question nationale qui est tout autant préjudiciable à la lutte des classes.

 

Aujourd’hui, dans le monde entier, le prolétariat ne dispose d’aucune expression politique autonome. Partout il est à la remorque des partis bourgeois ou petits-bourgeois au sens large. Il n’empêche qu’une situation comme celle de la Catalogne aujourd’hui, en plein cœur de l’Europe, ne peut se régler à coups de citations de Rosa Luxembourg et de « ni-ni ». Le rappel nécessaire de la position internationaliste ne peut se résumer à un vœu pieux mâtiné d’indifférentisme. Qu’on le veuille ou non les « questions » catalane, flamande, écossaise vont continuer d’empoisonner le climat politique et social, qu’elles relèvent de revendications légitimes ou de calculs plus ou moins pertinents de la bourgeoisie européenne pour résoudre les questions accrues de la concurrence entre états rivaux.

Dans l’absolu, ces nouveaux Etats pourraient être économiquement viables. La plupart du temps, les revendications indépendantistes (Catalogne, Pays basque, Ecosse, Flandre Belge, …[3]) émanent de régions qui figurent parmi les plus riches de leurs pays respectifs ou disposent d’une rente associée à la production de matières premières capable de favoriser l’accumulation du capital et d’assurer les dépenses liées à l’Etat, comme le pétrole dans le cas de l’Ecosse. On ne peut cependant considérer leur économie propre comme une simple soustraction de l’ensemble national auquel ces régions appartiennent. Les inter-relations avec les autres régions, les Etats centraux et l’ensemble que constitue la Communauté Européenne, jouent un rôle fondamental dans leur position relativement plus avantageuse.

2.           Le projet d’indépendance de la Catalogne

La Catalogne, avec un PIB d’environ 240 milliards d’€uros (pour 7,5 millions d’habitants), dépasse le Portugal (170 milliards d’€uros pour 10,3 millions d’habitants) ou la Grèce (162 milliards d’€uros pour 10,7 millions d’habitants). Le PIB catalan représente 19% du PIB espagnol[4]. En termes de PIB par habitant, la Catalogne dépasse le reste de l’Espagne, avec 26 900 €uros par an contre 23 000 (mais le PIB/habitant est plus élevé à Madrid). Par le jeu des transferts monétaires, notamment fiscaux, l’Etat central ponctionne à la Catalogne 16 milliards d’€uros, soit plus de 6% de son PIB[5].

 

Cette situation objective est mobilisée par une partie camp indépendantiste pour avancer deux arguments. Le premier concerne la viabilité économique d’un Etat indépendant, sur la base de son propre développement dans l’industrie et les services. Le second est de considérer que le reste de l’Espagne (par le truchement du gouvernement central de Madrid, mais pas seulement) profite du développement en Catalogne sans que cette région autonome en retire compensation.

Paradoxalement, la Catalogne est en retard en termes de grands investissements, par exemple le TGV espagnol l’AVE (Alta velocidad española) n’a touché que tardivement les régions-clés que sont le Pays basque et la Catalogne, tout en centralisant, « à la française » le trafic vers Madrid, dans un pays fortement décentralisé[6]. Il est également fréquent d’entendre l’argument suivant : « Nous payons des impôts qui vont à Madrid et les autoroutes sont gratuites dans toute l’Espagne, alors que chez nous (en Catalogne) elles sont payantes et moins bien entretenues. »

Ainsi, « L’Espagne nous vole » (Espanya ens roba) est un slogan qu’une partie du camp indépendantiste a réussi à ancrer dans la tête de nombre d’habitants de la Catalogne, toutes classes confondues. Nous disons ici habitants de Catalogne, car cette situation économique est aussi le résultat de l’exploitation de nombreux émigrants de l’intérieur venus du reste de l’Espagne, mais aussi hors d’Espagne : Amérique du Sud, Asie du Sud, Chine.

La région de Catalogne, notamment dans les grandes villes, est une terre d’immigration, interne ou externe, ce qui réduit le nombre d’habitants nés en Catalogne de parents catalans, à environ 2 millions, sur 7,5 millions d’habitants. La population en Espagne (plus de 46 millions d’habitants avec la Catalogne) comme celle de Catalogne (près de 7,5 millions d’habitants) a atteint un apogée en 2012 ; il s’agit pour une part des effets de la dernière grande crise mondiale qui a poussé nombre d’entre eux, surtout des hommes, à émigrer.

Tandis qu’en Espagne (Catalogne incluse), comme dans l’ensemble de l’Europe, le nombre de décès est supérieur à celui des naissances (408 000 naissances dont 75 000 de mère étrangère contre 409 000 décès), en Catalogne, le solde démographique reste positif.

La population étrangère (non espagnole) est de l’ordre d’un million de personnes (dont 320 000 européens, 250 000 africains, 200 000 américains du Sud et du Centre et 110 000 asiatiques). La population étrangère est surreprésentée en Catalogne puisqu’elle représente 22% de la population étrangère en Espagne tandis que la population de Catalogne ne compte que pour 16% de la population espagnole. En 2016, résultats provisoires, la population de Catalogne, au premier janvier 2017 était de 7 441 176 habitants contre 7 408 290 au 1 janvier 2016. Il y a donc une reprise depuis 2015 de l’accroissement de la population (idem pour le reste de l’Espagne) mais le maximum de 2012 n’a pas encore été rattrapé. Comment se décompose cet accroissement de population, soit 32 886 personnes ?

Il y tout d’abord un solde démographique naturel positif. En 2016, résultats provisoires, la Catalogne a enregistré 67 909 naissances[7] dont 17 961 de mère étrangère[8] pour 62 761 décès[9] dont 1 424 étrangers[10]. Le solde naturel est donc de 5 738. Dans ce solde naturel, la population d’origine étrangère a donc joué un rôle déterminant. On ne peut pas faire une approche purement formelle du phénomène car il faut tenir compte des naturalisations et de la nationalité du père. Cependant, le solde démographique naturel n’explique que moins de 20% de l’accroissement de la population.

Les statistiques espagnoles distinguent les migrations intérieures (d’une région à l’autre) et les migrations extérieures (relations entre l’Espagne ou ses régions et l’Etranger). Venant du reste de l’Espagne, les entrées en Catalogne en 2016 (somme des deux semestres) ont été de 39 305 personnes[11] tandis que 35 998 personnes ont quitté la Catalogne pour une autre région d’Espagne. Le solde migratoire interne est donc de 3 307 personnes. Ce solde migratoire est composé de 1 934 espagnols[12] ; mais ils ne sont plus que 1 321 à être nés en Espagne[13]. Cela témoigne de l’importance du processus de naturalisation[14]. Le solde est constitué d’étrangers venant d’autres régions d’Espagne. Les variations entre le premier et le deuxième semestre montrent une forte reprise de la migration intérieure d’immigrés dont celle venant d’Afrique. La contribution de ce solde migratoire interne est donc de l’ordre de 10%.

La grande majorité de l’accroissement de population provient donc du solde migratoire extérieur. En 2016, on compte 95.446 migrants venant directement de l’étranger dont 11 072 espagnols et 84 374 étrangers[15]. Du côté de l’émigration, on compte 71 015 personnes dont 16 414 espagnols et 54 581 étrangers[16]. Le solde migratoire extérieur est positif pour les étrangers (29 793) et négatif pour les espagnols (- 5 342). Ce dernier solde n’est pas compensé par l’entrée d’espagnols venant d’autres régions.

En conclusion, l’accroissement de population et au-delà la compensation des départs n’est obtenue que par l’arrivée ou la présence de population étrangère. Le poids de l’irrédentisme dans le séparatisme catalan est donc secondaire et cet aspect ne peut que se réduire en regard des évolutions démographiques ; la dimension économique et sociale y est donc déterminante. D’autre part, au-delà de la propagande séparatiste, on peut aussi penser que le contrôle de l’immigration soit un aspect du protectionnisme que porte le mouvement indépendantiste.

 

Ce n’est pas seulement dans les clips des indépendantistes que l’on peut voir des asiatiques ou des sud-américains se déclarer partisans du « Oui » à l’indépendance. C’est qu’ils estiment réellement que ce territoire vivra mieux s’il acquiert son indépendance. Naturellement, la baisse des salaires qui a suivi la crise de 2008 – et sur laquelle repose en partie le soi-disant « miracle espagnol » - le taux de chômage élevé, les coupes budgétaires dans l’éducation et la santé, les expulsions locatives, ne sont jamais évoqués. Sauf par l’extrême-gauche mais qui, par son soutien au gouvernement catalan, joue les utilités et ne clarifie absolument pas la situation, nous y reviendrons. Madrid ! voilà le mot-clé, le mot épouvantail qui prétend fédérer l’élan des différentes composantes de la société catalane vers l’indépendance. Madrid ! C’est de la faute de Madrid si nous ne bénéficions pas d’un meilleur rendement de nos investissements et de nos efforts ! Madrid ! c’est le principal obstacle à notre libération.

Cependant, le projet indépendantiste n’est absolument pas homogène selon les classes considérées et les différentes fractions de la bourgeoisie locale et des classes moyennes.

Comme ailleurs, la classe capitaliste doit affronter une situation difficile produite par le rééquilibrage des rapports de force internationaux et les conséquences de la crise de 2008.

Les nouvelles divisions internationales du travail qui se sont mises en place depuis la fin de la guerre froide (gagnée par l’occident capitaliste), l’émergence de nations capitalistes concurrentes, les effets des crises de surproduction et en particulier de la dernière, la plus grave depuis 1929 engendrent un déclin relatif des vieilles nations capitalistes sur le marché mondial. Elles ont tenté, à force d’endettement, de limiter la lutte des classes et de maintenir leur place dans le concert des nations mais doivent, pour une part, baisser pavillon. La grande bourgeoisie a depuis longtemps choisi sur qui doit être reporté le coût de ce déclin relatif : les classes moyennes, le prolétariat, la petite bourgeoisie, tout en veillant à ce que l’accroissement des inégalités qui en est la conséquence ne provoque pas de réactions explosives.

Il s’ensuit qu’il existe une tension croissante entre la bourgeoisie libre-échangiste et la bourgeoisie protectionniste et les partis qui les représentent politiquement. Ce phénomène s’il se traduit en Catalogne par une tendance indépendantiste, traverse la plupart des pays d’Europe via les partis souverainistes[17]. Au Royaume-Uni, et dans une certaine mesure aux Etats-Unis, ce sont les tendances protectionnistes qui ont remporté les élections.

Libre-échangisme et protectionnisme sont en opposition dialectique. Dans la recherche du maximum de plus-value (qui est, rappelons-le, le but exclusif de la production capitaliste), les uns insistent – avec la recherche des prix les plus bas, les prix du marché mondial – sur la baisse de la valeur de la force de travail et donc mettent l’accent sur le taux de la plus-value. Les autres, soucieux de l’existence du plus grand nombre de prolétaires à exploiter pour permettre l’accumulation du capital ainsi que l’entretien de la classe capitaliste et des classes moyennes modernes, mettent plutôt en avant la masse de la plus-value. Ils sont rejoints dans ce mouvement par cette fraction des classes moyennes modernes qui vivent du revenu dispensé par l’Etat et pour qui l’accroissement de son rôle, de ses prérogatives, de son champ d’activité et d’une certaine manière de son déficit sont autant de gages pour maintenir et améliorer leur situation. La grande bourgeoisie catalane, celle des grandes entreprises, est libre-échangiste. Elle n’a jamais vraiment été indépendantiste, se contentant d’une large autonomie qui lui permette de faire ses affaires en toute tranquillité et en interaction aussi bien avec les autres secteurs de l’économie espagnole qu’avec l’étranger. Pro Europe et pro-Euro elle ne voit aucun intérêt à la sécession et ce n’est pas un hasard si ce sont les entreprises les plus emblématiques de « l’économie catalane » (les deux grandes banques que sont Banco Sabadell et la Caixa, ainsi que l’entreprise de vins champagnisés Freixenet, parmi d’autres[18]…) qui ont annoncé leur départ de Catalogne (au moins des sièges sociaux) dès la proclamation des résultats du référendum du 1er octobre.

Les organisations patronales comme le Foment del Treball ont clairement pris position contre l’indépendance.

La bourgeoisie protectionniste, essentiellement la petite bourgeoisie et les classes moyennes anciennes dont les marchés sont locaux ou frontaliers sont à la tête de ce mouvement indépendantiste[19].

Enfin, une productivité générale du travail supérieure à celle de bien des nations ou d’autres régions d’Espagne, a permis à la bourgeoisie d’accorder au prolétariat de cette région une position plus élevée ; on a là une des bases matérielles pour la constitution d’une aristocratie ouvrière. Les fractions du prolétariat les plus bornées[20] politiquement se laissent séduire par les partis bourgeois ou petit-bourgeois. En tant que bourgeoisie nationale, ou se rêvant telle, la bourgeoisie catalane cherche à avoir une politique propre vis-à-vis du prolétariat qu’elle exploite. Si, par des jeux fiscaux et budgétaires elle parvient à avoir, localement, plus de miettes à distribuer pour s’assurer la paix sociale, c’est un avantage qu’elle aura acquis sur le reste de la bourgeoise espagnole – et européenne.

 

3.           Les partis en présence

Raisonné ou non, le sentiment d’être humilié par l’Etat central est très fortement ancré dans la population catalane, au point d’avoir contribué à en radicaliser toute une frange qui n’était pas indépendantiste au départ. La vitalité manifestée dans le soutien populaire à l’organisation du référendum du 1er octobre est un témoignage de cette mobilisation.

Si le « catalanisme » est une réalité ancienne et bien ancrée sur le territoire, l’appui à l’indépendance est relativement récent et dépend de multiples facteurs qu’il est important d’analyser, avant d’agiter le chiffon rouge du nationalisme contre lequel le prolétariat, devrait, par principe, toujours se prononcer.

En premier lieu, il convient de souligner que, jusqu’à la tenue du referendum du premier octobre, l’opinion pour l’indépendance n’était pas majoritaire. Une large moitié des sondés catalans ou non, se déclaraient contre selon un spectre allant, en fonction des appartenances politiques, de la franche hostilité à l’indifférence, matinée d’inquiétude.

Au-delà de l’argument économique évoqué, sur quoi s’appuie le sentiment indépendantiste ? Il se superpose plusieurs facteurs, qui rendent l’évaluation de la situation et la prise de position très complexes.

Tout d’abord il existe un sentiment anti-centraliste historiquement ancré dans la lutte historique entre les couronnes d’Aragon et de Castille et la Catalogne. Comme on l’a dit « Madrid », capitale de l’Etat central, et ses institutions (le Parlement, le gouvernement, la cour…) cristallise les ressentiments.

Mais sur cette toile de fond, permanente, se dessine aussi la critique du gouvernement actuel, aux mains d’une droite dure sous l’égide du Parti populaire (PP), dont les origines franquistes (via l’Alianza Popular des années 1970) en fait un gouvernement particulièrement répressif et antisocial (voir les lois contre la liberté d’expression votées en 2014[21], les mesures d’austérité et coupes budgétaires draconiennes menées ces dernières années) ; de ce fait tout un secteur « de gauche » en Catalogne additionne le ressentiment anti état central à la lutte contre le gouvernement actuel (sachant que le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de son côté est en appui total à la vision centraliste du PP, tout comme la branche socialiste locale, le PSC). Totalement crispé sur la question de l’unité nationale, le gouvernement central n’a pas fait la moindre tentative de conciliation et a, au contraire, fait donner de manière brutale la Garde civile et la police nationale contre les électeurs du 1er octobre, contribuant, dans un premier temps, à radicaliser encore plus le sentiment indépendantiste.

Il a mobilisé, contre le sentiment national catalan, un sentiment national espagnol exacerbé, qui a permis notamment à l’extrême-droite franquiste, relativement discrète jusque-là en Espagne, de s’afficher ouvertement dans la rue et dans le débat public[22]. Ainsi les contre-manifestations organisées par le pouvoir, dans et hors de Catalogne se sont faites majoritairement sous la bannière de la monarchie espagnole et avec une apologie ouverte de la grandeur impérialiste et raciste de l’Espagne historique[23]. Il est comique de voir les ténors de la droite espagnole et catalane, ainsi que l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa partir en guerre contre « le nationalisme » (catalan) devant une foule galvanisée par la ferveur patriotique et l’allégeance au drapeau.

En deuxième lieu, au-delà même de la couleur politique de l’équipe au pouvoir, c’est la forme d’Etat héritée de la « transition » post-franquiste (le pacte de la Moncloa de 1978) qui est critiquée, cette forme ayant visiblement épuisé sa fonction historique et n’étant plus capable d’encadrer le développement économique et social. Ce deuxième aspect peut s’exprimer par la revendication d’une république à l’échelle de l’Espagne, c’est-à-dire d’un régime permettant plus facilement à l’ensemble de la bourgeoisie de gouverner, bien que celle-ci soit apparemment pour l’instant encore minoritaire. On trouve aussi dans le mouvement dirigé contre « Madrid » un écho du mouvement des indignés[24] de 2011, qui s’élevait contre le bipartisme et l’alternance des deux partis de gouvernement aussi corrompus l’un que l’autre, Parti populaire et PSOE[25].

Enfin, les motivations et arguments des partisans de l’indépendance sont très loin d’être homogènes.

On y trouve aussi bien des racines « catalanistes » que représentent assez bien le parti PDeCat (ex CDC, Convergencia democratica de Catalunya) dont une partie des dirigeants s’est ralliée à la position sécessionniste sous la pression d’autres secteurs indépendantistes (ERC et la CUP notamment), que des partisans de l’indépendance pure et dure. Ce spectre va du centre-droit (PDeCat) à l’extrême gauche, la droite catalane étant par définition souverainiste (tout comme le PSC qui suit la ligne du PSOE).

La Esquera republicana de Cataluña (ERC) est un parti de la gauche bourgeoise qui a toujours milité pour l’indépendance de la Catalogne et qui a fourni aux deux premières tentatives de proclamation de la république catalane (1931 et 1934) son président Luis Companys. L’ERC fait partie de la coalition au pouvoir depuis les élections régionales de 2015 et fournit le vice-président de l’actuelle Generalitat, Oriol Junqueras.

L’extrême-gauche, parti des classes moyennes, à travers la CUP, prétend également défendre une dynamique sociale à travers la critique des politiques d’austérité menées en Catalogne par l’équipe conservatrice au pouvoir. Elle forme pourtant une force d’appoint indispensable au parlement, dans le cadre d’un front indépendantiste et son action a été décisive dans la tenue du référendum du 1er octobre puis la proclamation de l’indépendance le 27.

Par ailleurs Podemos, un parti des classes moyennes, et sa déclinaison en Catalogne (Podem), tout comme la maire de Barcelone qui vient du mouvement contre les expulsions locatives (la PAH), sont contre l’indépendance même s’ils reconnaissent le droit à la population à s’exprimer par référendum. A travers cette crise, Podemos a d’ailleurs encore plus révélé la vraie nature de son projet politique ; loin d’être la « nouvelle force alternative » promise après le mouvement des indignés de 2011, cette formation cherche à tout prix la légitimité électorale afin d’accéder au pouvoir en coalition avec la gauche classique, notamment le PSOE. Cela l’a amené à coller de près aux arguments centralistes sur l’unité de la nation et à durcir sa position, notamment vis-à-vis de la fraction de Podem qui, en Catalogne, a fini par appuyer le camp indépendantiste contre la répression. Rappelons qu’en 2015, Pablo Iglesias s’était fendu d’un vibrant « Viva las fuerzas armadas, viva la Guardia civil, viva los agentes de policia de España ! »[26]

Les événements qui ont suivi la déclaration ambiguë du président de la Région Puidgemont le 10 octobre sur l’indépendance, puis la valse-hésitation qui a suivi, jusqu’à la veille de la « proclamation » de l’indépendance montrent bien ces dissensions et la fracture qui se dessine entre un camp du compromis, qui n’est pas vraiment prêt à affronter les conséquences de la rupture avec Madrid, et les indépendantistes radicaux et l’extrême-gauche. La fuite de Puigdemont après l’application de l’article 155 et ses déclarations alambiquées sur un « ralentissement » du processus indépendantiste ont achevé de noyer l’aventure indépendantiste dans la confusion, en attendant une possible recomposition du paysage politique qui surgira des élections programmées pour le 21 décembre en Catalogne. Mais si le vote indépendantiste se maintient, ne serait-ce qu’au niveau de 2015, on sera revenu à situation ex ante. En attendant – à la date du 6 novembre – c’est un volet répressif d’ampleur qui est mis en place avec l’emprisonnement de tout l’ex-exécutif catalan.

Il reste, ce que ne comprennent pas toujours nos camarades de l’ultra-gauche en France, que l’attachement au territoire, à la langue à une histoire, à une « identité » propre est fortement ancré chez les catalans, sans pour autant – jusqu’à présent – faire basculer la majorité dans l’indépendantisme (qui représentait environ 15% des opinions au début des années 2000), mais qui a bénéficié d’une politique agressive de l’Etat central qui mène, depuis 2012 plusieurs attaques pour réduire l’autonomie réelle que possède la Catalogne, même dans le cadre de la constitution actuelle[27].

La situation actuelle (avec une déclaration unilatérale d’indépendance rapidement avortée d’un côté et l’éviction du gouvernement local par Madrid de l’autre) à la fin octobre est le fruit d’un affrontement de deux logiques parfaitement inconciliables et qui se nourrissent l’une de l’autre.

Côté indépendantiste il s’agissait de forcer le destin en convoquant coûte que coûte un referendum dont les résultats, même minoritaires, auraient force de loi et permettraient de déclarer l’indépendance. Nous ne pouvons pas analyser ici les détails ni les probables erreurs de calcul qui ont contribué à dynamiser cette logique (par exemple la croyance dans un possible soutien de la bourgeoisie Européenne à la cause indépendantiste). Côté pouvoir central, il a été jugé bon, en restant « droit dans ses bottes », de ne pas céder un pouce à la revendication autonomiste et de faire un exemple de la Catalogne. Certains secteurs du PP ont ouvertement fait allusion à la situation au pays basque et à une possible recentralisation générale de l’appareil d’Etat en Espagne. L’arrestation directe, avant tout procès, de la majorité de l’exécutif catalan et de parlementaires est un signal répressif d’envergure. Le pouvoir central montre ainsi à toute l’Espagne et pas seulement aux catalans qu’il est prêt à mater toute manifestation, d’où quelle vienne, contraire à ses intérêts. Et cela vaut aussi comme avertissement sans frais pour le prolétariat dans la perspective de futures luttes sociales.

 

Et le prolétariat dans tout ça ?

 

Comme on le lira ci-après, il n’a pas d’expression autonome et n’a donc pu faire prévaloir ses propres positions. Il n’y a pas de mobilisation particulière sur les lieux de travail et la « grève générale » du 3 octobre n’a pas mobilisé sur les grands sites industriels. Mais des quartiers ouvriers, souvent abstentionnistes, se sont mobilisés lors du referendum, et les dockers et travailleurs du port de Barcelone ont boycotté les services dus aux navires transportant la garde civile qui mouillent dans le port. Ils subissent d’ailleurs depuis lors une multiplication de contrôles et de brimades de la part de la police.

4.           Pour une position autonome du prolétariat

Nous ne développerons pas ici les arguments historiques avancés pour justifier une autonomie nationale de la Catalogne mais très vraisemblablement ils placent la Catalogne au rang des peuples dont le droit à la nation ne peut être contesté[28]. Rappelons que Engels reliait cette question à celle plus générale de la forme de l’Etat espagnol dans son texte de 1873 : « La république en Espagne ».

« En premier lieu, il faut dans ce but abolir l'armée et installer une milice populaire. Géographiquement, l'Espagne est si heureusement située qu'elle ne peut être attaquée sérieusement que par un seul voisin, et cela encore que sur le front étroit des Pyrénées ; un front qui ne fait même pas un huitième de son périmètre total. En plus, les conditions topographiques sont telles qu'elles présentent autant d'obstacles à la guerre de mouvement des grandes armées qu'elles offrent de facilités à la guerre populaire irrégulière[29]. (…)

L'armée supprimée, disparaît aussi la raison principale pour laquelle notamment les Catalans réclament une organisation fédérale de l’État. La Catalogne révolutionnaire, pour ainsi dire la grande banlieue ouvrière de l'Espagne, a, jusqu'à maintenant, toujours été opprimée par de fortes concentrations de troupes, comme Bonaparte et Thiers opprimèrent Paris et Lyon. C'est pourquoi les Catalans ont réclamé la division de l'Espagne en États fédéraux à administration autonome. Si l’armée disparaît, la principale raison de cette exigence disparaît ; l'autonomie pourra fondamentalement s'obtenir sans la destruction réactionnaire de l'unité nationale et sans la reproduction d'une Suisse en plus grand. »[30]

 

La solution préconisée par Engels n’a pas été réalisée et aujourd’hui le démantèlement de l’unité nationale par la constitution de petites entités, donc dans un sens réactionnaire, est une hypothèse envisageable. Cependant l’indépendance de la Catalogne poserait notamment la question de sa cohérence en tant qu’Etat autonome et plus généralement de son appartenance à l’Europe. Elle ne pourrait constituer un Etat viable que dans le cadre de l’Europe (comme la Slovénie en son temps) ce qui requiert, dans le cadre constitutionnel actuel, l’accord de l’unanimité des membres et l’Espagne y opposerait son veto, coupant ainsi à la Catalogne la possibilité d’une adhésion immédiate. Même s’il est vraisemblable que l’Europe ne laisse pas sur le côté de la route un tel Etat (pour l’instant elle fait tout pour empêcher l’indépendance[31]), même si, comme l’a fait le Monténégro, l’utilisation unilatérale de l’euro reste une possibilité, cette indépendance ne se fera pas sans d’énormes perturbations (délocalisations de sièges, question de la dette, choix de la monnaie et risque de dévaluation, bureaucratie supplémentaire, limitation du marché espagnol et européen, financement des retraites des espagnols qui ont quitté la Catalogne après y avoir travaillé, ….)

La position d’un parti prolétarien sur cette question aujourd’hui (comme en Ecosse, en Flandres…) devrait se situer d’emblée au niveau européen, en affichant le mot d’ordre général des Etats-Unis socialistes d’Europe. Autrement dit, proposer une perspective « par le haut », qui évite, via la fragmentation des Etats, également la fragmentation de la lutte des classes.

En deçà de cette perspective purement prolétarienne, il existe aussi une possibilité d’ouverture d’un cours bourgeois vers une plus grande unification européenne, qui contribuerait à déblayer, en unifiant toujours plus le territoire européen, les obstacles nationaux à l’unification du prolétariat. Les mouvements socialistes petits-bourgeois dirigés par les classes moyennes en Grèce (Tziriza), en Espagne (Podemos), en France (Nuit debout), n’ont jamais pu offrir une perspective qui dépasse le cadre national alors que ces mouvements  spontanément tendaient à ce dépassement. Ceci devrait passer par la revendication d’une Assemblée constituante européenne, chargée de définir la forme politique d’une république démocratique européenne. C’est au sein de ce combat que le parti prolétarien ferait entendre sa propre revendication d’une république socialiste sous la forme des Etats-Unis socialistes d’Europe. Quand Trotsky le proposait les bases matérielles d’un tel Etat pouvaient paraître artificielles. Aujourd’hui, la bourgeoisie libre-échangiste européenne a posé timidement mais réellement les premières pierres d’un édifice qui remet en cause le cadre national qu’elle a instauré contre la féodalité ; c’est un fait considérable. Alors que cette même bourgeoisie éclairée en appelle aux Etats-Unis d’Europe pour en faire un pôle impérialiste conséquent et pour faire pièce aux tendances protectionnistes et nationalistes des autres fractions de la bourgeoisie, le prolétariat fut-il réduit à n’être que l’extrême-gauche de la démocratie ne peut que soutenir une perspective radicale en appelant à une assemblée constituante européenne.

A défaut, en en restant dans le strict cadre immédiat de la question catalane, le parti prolétarien devrait :

 

-         Dans le cadre de la reconnaissance du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, défendre le droit à une consultation libre des habitants de Catalogne.

-         En Catalogne même, défendre l’unité du prolétariat espagnol et international et se prononcer contre toute alliance, même non organisationnelle, avec la bourgeoisie et la petite bourgeoisie catalane. Montrer que l’indépendance ne changerait strictement rien aux rapports d’exploitation qui opposent la bourgeoisie nationale et locale au prolétariat tandis qu’elle mettrait une nouvelle barrière entre les prolétaires. Montrer qu’il s’agit d’un moyen commode pour la bourgeoisie de détourner la conscience de classe prolétaire vers des chimères nationalistes afin de mieux le tenir en laisse et d’attaquer ses positions sociales.

-         Ne proclamer aucun soutien même « critique » au gouvernement, quel qu’il soit, issu de la proclamation de l’indépendance du 27 octobre.

-         Réclamer la destitution de Philippe VI, l’abolition immédiate de la monarchie et la proclamation de la république

-         Réclamer la tenue d’une assemblée constituante pour élaborer les formes de cette république (unitaire, fédérale…)

-         Inscrire cette revendication dans celle, plus générale des Etats-Unis socialistes d’Europe, seule entité politique capable d’assurer réellement aux peuples qui le souhaitent le respect de leur langue, de leur culture…

-         Demander l’armement du prolétariat et l’abrogation de toutes les lois liberticides, la libération des prisonniers politiques.

-         Défendre, encore et toujours, l’autonomie du prolétariat et la lutte contre sa propre bourgeoisie

 

L’exacerbation, des deux côtés des sentiments nationalistes ne peut que nuire à l’unité du prolétariat et freiner le développement d’une lutte de classe qui, de Séville à Bilbao, d’Oviedo à Murcie, de Jaen à Gérone, de Madrid à Barcelone, devrait s’attaquer aux politiques d’austérité menées par la classe capitaliste espagnole et ses représentants politiques, tant au plan national (PP, PSOE, Ciudadanos) que local (PDeCat, PP, PSC) ; développer les revendications sur les salaires, les conditions de travail, contre la répression, dans une dynamique qui pourrait mener à une véritable mise en cause de l’ordre capitaliste.

 

Ceci suppose, en Espagne comme ailleurs, que le prolétariat puisse s’autonomiser et lutter sur son propre programme, sans allégeance aucune à tout type d’expression bourgeoise ou réformiste, en repoussant tous les faux amis et les miroirs aux alouettes qui ne peuvent que le soumettre aux diktats de la bourgeoisie, quel que soit le drapeau derrière lequel se cache cette dernière.



[1] Appartiennent à l’Union européenne et à la zone euro : la Tchéquie, la Slovaquie, la Slovénie, la Lettonie, la Lituanie, l’Estonie. L’Allemagne s’est réunifiée avec sa partie orientale. Le Monténégro, candidat à l’Union européenne a adopté l’euro unilatéralement. La Croatie a adhéré à l’Union européenne. Le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, La Serbie sont candidats à l’adhésion. L’Ukraine et la Moldavie sont de potentiels candidats mais font l’objet de tractations avec la Russie.

[2] https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/01/19160100.htm

[3] Le cas de l’Italie du Nord est différent.

[4] Cependant, comme le montre la fuite organisée de grandes entreprises hors de Catalogne, une situation d’indépendance ne serait pas une simple soustraction du PIB catalan au reste, toutes choses égales par ailleurs. Cette évaluation ne tient pas compte des effets d’intrication de l’économie régionale et de celle du reste du pays. Sans compter les effets induits par une éventuelle déclaration unilatérale d’indépendance, par exemple sur le tourisme, qui représente 12% de l’économie en Catalogne.

[5] Ce calcul, avancé par certaines fractions indépendantistes, est cependant contesté. Le différentiel ne serait, en réalité, que d’environ 4 milliards d’Euros.

[6] http://www.liberation.fr/futurs/2017/07/24/tgv-une-fierte-espagnole-a-deux-vitesses_1585930

[7] Nacimientos por comunidades y ciudades autónomas de residencia de la madre, mes y sexo. http://www.ine.es/jaxi/Datos.htm?path=/t20/e301/provi/l0/&file=01005.px

[8] Nacimientos de madre extranjera por comunidades y ciudades autónomas de residencia de la madre y mes. http://www.ine.es/jaxi/Datos.htm?path=/t20/e301/provi/l0/&file=01006.px

[9] Defunciones por comunidad autónoma de residencia del fallecido, mes y Sexo. http://www.ine.es/jaxi/Datos.htm?path=/t20/e301/provi//l0/&file=02003.px

[10] Defunciones de extranjeros por comunidad autónoma de residencia del fallecido y mes. http://www.ine.es/jaxi/Datos.htm?path=/t20/e301/provi//l0/&file=02004.px

[11] Flujo de migración interautonómica por semestre, comunidad autónoma de origen y destino, sexo. http://www.ine.es/jaxiT3/Datos.htm?t=24439

[12] Saldo migratorio interautonómico por semestre, comunidad autónoma y nacionalidad, http://www.ine.es/jaxiT3/Datos.htm?t=24445

[13] Saldo migratorio interautonómico por semestre, comunidad autónoma y país de nacimiento http://www.ine.es/jaxiT3/Datos.htm?t=24446

[14] En 2015, le nombre de naturalisés espagnol en Catalogne était de 29 977 et 114 351 en Espagne (20 259 en Catalogne, en 2016, sur la base de résultats partiels) dont 29 724 hors communauté européenne sans l’Espagne. Si nous rapportons ce dernier nombre au solde migratoire d’immigrés hors communauté européenne sans l’Espagne, soit 27.175, nous obtenons des nombres du même ordre de grandeur si bien que la quasi-totalité des immigrés qui s’installent vont acquérir la nationalité espagnole. Du fait de ce processus, la part des étrangers dans la population est maintenue plus ou moins constante. http://www.ine.es/jaxiT3/Datos.htm?t=15798

[15] Flujo de inmigración procedente del extranjero por comunidad autónoma, semestre y nacionalidad http://www.ine.es/jaxiT3/Datos.htm?t=24412

[16] Flujo de emigración con destino al extranjero por comunidad autónoma, semestre y nacionalidad http://www.ine.es/jaxiT3/Datos.htm?t=24415

[17] En France, lors des dernières échéances électorales de 2017, on a vu le FN et la France Insoumise se disputer l’influence sur ces catégories sociales, à grand renfort d’arguments protectionnistes.

[18] Cette entreprise a ensuite fait marche arrière devant la « garantie » que présente l’application de l’article 155 c’est-à-dire la mise sous tutelle de la Catalogne par l’Etat central.

[19] En 2012, un sondage effectué auprès de la fédération des petites et moyennes entreprises (PIMEC) indiquait que près de 67% des entrepreneurs locaux étaient favorables à l’indépendance. Josep Gonzalez, le directeur de la PIMEC estime que « après une période d’ajustement, une catalogne indépendante pourrait s’en sortir économiquement et être à la longue acceptée par l’Union européenne ». Cependant la Fédération n’a pas cautionné le référendum du premier octobre, appelant à une solution négociée.

[20] Il s’agit généralement de la partie la moins qualifiée et éduquée du prolétariat, celle dont le travail le moins qualifié est le plus exposé à la concurrence internationale et aux pressions exercées sur les salaires du fait de l’immigration.

[21] La « loi de sécurité citoyenne » dite « loi-bâillon » (ley mordaza) votée en 2014 prévoit par exemple de lourdes peines d’amende et de prison pour des manifestants cernant les bâtiments officiels comme les parlements. Ceci faisant suite aux nombreuses mobilisations sociales qui se sont déroulées dans la foulée du mouvement des « indignés » de 2011.

[22] Les organisations d’extrême-droite proprement dites n’avaient de fait pas besoin de s’autonomiser, puisque le Parti Populaire a su réaliser l’union des droites (ce que n’a jamais fait jusqu’à présent en France la vieille droite gaulliste vis-à-vis du Front National) et qu’il a par ailleurs des relations étroites avec les franges les plus réactionnaires de la société, via l’Eglise et notamment l’Opus Dei.

[23] La fête nationale qui a lieu le 12 octobre et commémore la « découverte » de l’Amérique par Christophe Colomb est appelée depuis 1958 « jour de l’Hispanité ». Elle s’appelait avant le « jour de la race ». De nombreux peuples indigènes d’Amérique Latine protestent contre cette manifestation à laquelle collaborent les Etats.

[24] Voir notre texte de 2011 www.robingoodfellow.info

[25] En matière de corruption le parti catalaniste de centre-droit PDéCAT, qui gouverne actuellement la coalition au pouvoir n’a aucune leçon à donner, ses dirigeants historiques (De Jordi Pujol jusqu’à l’avant-dernier Président Artur Mas) ayant tous trempés dans de lourdes affaires de détournements et de corruption.

[26] https://www.youtube.com/watch?v=2LaZSyQ85j0

[27] Un sondage paru le 28 octobre dans El Pais montre que 48%  des catalans « se contenteraient » d’une autonomie renforcée, contre 26% pour l’indépendance et 19% pour le maintien du statu quo au sein de l’Etat espagnol.

[28] Le sentiment d'oppression par l'Etat espagnol est très ancien, dès l'annexion en 1714. Et déjà bien avant, Ferdinand II d’Aragon, le roi "catholique", parlait des catalans comme de rebelles qu’il fallait soumettre. L’autonomie a permis que s’exprime avec une certaine liberté le sentiment national catalan au sein de l’Etat espagnol. En ce sens, les remises en cause, en 2006, de parties du « Estatut catalán » (une sorte de Constitution soumise à la Constitution espagnole) par le PP à travers le Tribunal constitutionnel, dominé par lui, ont ravivé le sentiment d’oppression. Ces remises en cause ont été faites sur un texte préalablement modifié par le Congrès espagnol, mais approuvé par referendum par la Catalogne. Ces pratiques et d’autres mesures ou déclarations faites par le PP pour hispaniser la Catalogne ont attisé fortement le sentiment indépendantiste. Par exemple, le PP a déclaré que les écoles catalanes discriminaient l’espagnol et qu’il fallait prendre des mesures. Il s’agit d’accusations sans fondement car tous les catalans apprennent l’espagnol et le parlent parfaitement. C’est plutôt l’apprentissage du catalan qui n’est pas généralisé à commencer par le centre de formation d’un des grands porte-drapeaux de la bourgeoisie pour ne pas dire de l’impérialisme catalan : le football club de Barcelone. Dans cette école, la Masia, l’enseignement se fait en espagnol si bien que des joueurs qui, depuis tout jeune suivent cette école, ne savent pas parler catalan alors qu’ils sont membres d’une icône du catalanisme.

[29] Certes, à l’époque d’Engels, la guerre aérienne n’existe pas. Mais on sait que les seules offensives aériennes sont insuffisantes pour gagner un conflit, sans engagement de troupes au sol.

[30] https://defensedumarxisme.wordpress.com/2015/11/12/marx-engels-et-la-republique-democratique-le-cas-francais/

[31] Et le gouvernement français en particulier. Il est d’autant plus opposé à cette indépendance que le traité des Pyrénées a partitionné la Catalogne entre l’Espagne et la France. L’indépendance de la Catalogne espagnole raviverait le sentiment national des catalans français et d’autres (basques, etc.).