Le cycle des crises aux Etats-Unis depuis 1929

Douzième cycle (1)

 

Mise à jour troisième trimestre 2023

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date

 Janvier 2024 – Pluviôse 232

Auteur

Robin Goodfellow

Version

V 1.0

 

 


Sommaire

1.       Le cycle des taux et rapports. 3

1.1     Le rapport i/p (Intérêt/Profit) 4

1.2     Rapport k/p (Capital fixe / profit) 4

1.3     Taux de profit général 5

1.4     Taux de profit d’entreprise. 5

1.5     Taux de plus-value général 6

1.6     Un nouveau type de cycle. 6

 

1.           Le cycle des taux et rapports

Cette courte analyse constitue la première analyse du nouveau cycle, le douzième de l’après deuxième guerre mondiale selon notre numérotation.

 

En mars 2023, un cri d’alarme résonnait dans le journal « La Tribune » :

« Plus de la moitié d'un panel de plus de 200 économistes américains anticipe une récession aux États-Unis en 2023. Et près des trois quarts d'entre eux voient l'inflation rester supérieure à 4% jusqu'à la fin de l'année. C’est ce qu'il ressort d’une enquête de la fédération d'économistes NABE. »

« C'est un scénario assez sombre que dresse la fédération d'économistes NABE (National Association for Business Economics). Dans une enquête publiée ce lundi 27 mars, ils livrent leur prévision pour l'année 2023 pour l'économie américaine.

Selon la présidente de l'organisme, 53% des panélistes « s'attendent à une récession à un moment donné en 2023 », expose Julia CoronadoPrès d'un quart de ce panel table sur une récession au troisième trimestre de cette année, 5% pensent que la récession est déjà en cours, 16% la voient arriver au deuxième trimestre, et 13% au quatrième trimestre. Et près d'un quart s'attend à ce que cela ne se produise pas avant le second semestre de 2024. »[1]

 

Quelques mois plus tard « Challenges » faisait état d’une introuvable récession : « Prédite par plus de 60% des économistes à l'automne dernier, la récession américaine se fait toujours attendre, tandis que l'inflation est retombée à un peu plus de 3%. »[2]

 

Les signes critiques que scrutent nos économistes ne manquaient pas :

-          La fameuse inversion de la courbe des taux[3] ; les rendements des bons du trésor à trois mois dépassent les rendements à 10 ans. « Depuis 1955, cette inversion a précédé toutes les récessions – il y en a eu huit – survenues depuis la Seconde Guerre mondiale. »[4]

-          Un autre grigri théorique consiste dans la règle de Sahm, du nom d’une économiste qui postule qu’une crise aura lieu si la moyenne sur trois mois du taux de chômage augmente d’un demi-point de pourcentage ou davantage par rapport à son niveau le plus bas des 12 derniers mois. De ce point de vue, les indices ne sont pas défavorables tandis que des observateurs ont noté que le chômage avait plutôt frappé l’aristocratie du travail[5].

-          Perspectives des indicateurs avancés : « Il est vrai que, pour le moment, la conjoncture continue de défier le signal récessif de l’indicateur composite avancé du Conference Board, aussi important soit-il (baisse de près de 9% en glissement annualisé sur 6 mois, indice de diffusion de seulement 20). »[6]

-          Selon les théories bourgeoises en vigueur une hausse des taux d’intérêt supposée ramener l’inflation à un niveau de l’ordre de 2% ne peut conduire qu’à raréfier le crédit et précipiter la crise. Or, la banque centrale américaine a augmenté les taux d’intérêt en procédant à 11 hausses depuis mars 2022, ce qui constitue la hausse la plus rapide et la plus agressive depuis le début des années 1980 tandis que le taux d’intérêt atteignait son plus haut niveau depuis janvier 2001. Depuis juillet, la banque centrale a fait une pause et envisage une baisse des taux sans que l’inflation soit pour autant maîtrisée.

 

Vers la fin de l’année, les commentateurs estiment que le risque d’une crise s’estompe. Mais pour nombre d’entre eux (Deutsche Bank, CITI, BNP) une crise n’est pas à exclure en 2024.

 

Si nous nous basons sur nos analyses où en sommes-nous ?

1.1         Le rapport i/p (Intérêt/Profit)

 

2020

1

1,065

1,01

0,979

0,983

1,001

Février 2020

2020

2

1,049

1,056

1,023

0,997

0,996

Avril 2020

2020

3

0,63

0,834

0,907

0,919

0,92

2020

4

1,115

0,818

0,903

0,944

0,947

2021

1

0,865

0,983

0,832

0,895

0,931

2021

2

0,86

0,863

0,945

0,838

0,889

2021

3

1,049

0,947

0,916

0,967

0,87

2021

4

0,975

1,011

0,956

0,929

0,968

2022

1

0,973

0,974

0,998

0,96

0,937

2022

2

0,882

0,928

0,944

0,97

0,946

2022

3

0,962

0,919

0,938

0,948

0,969

2022

4

0,929

0,946

0,922

0,936

0,945

2023

1

1,007

0,966

0,965

0,941

0,949

2023

2

0,85

0,928

0,929

0,937

0,925

2023

3

1

0,919

0,95

0,944

0,948

 

 

Crise

 

Ce rapport, que nous privilégions, ne laisse apparaître aucune vague d’accélération qui serait précurseur d’une crise de surproduction.

 

Ce n’est pas le cas pour l’ensemble des autres taux et rapports.

 

Par exemple :


 

1.2         Rapport k/p (Capital fixe / profit)

 

2020

1

1,157

1,071

1,031

1,023

1,031

Février 2020

2020

2

1,095

1,124

1,08

1,048

1,038

Avril 2020

2020

3

0,664

0,87

0,954

0,961

0,96

2020

4

1,135

0,852

0,938

0,989

0,989

2021

1

0,884

1,002

0,862

0,926

0,97

2021

2

0,896

0,89

0,968

0,869

0,921

2021

3

1,049

0,968

0,937

0,986

0,898

2021

4

1,029

1,039

0,989

0,959

0,994

2022

1

0,996

1,012

1,024

0,99

0,966

2022

2

0,937

0,967

0,987

1,002

0,98

2022

3

1,017

0,976

0,983

0,994

1,005

2022

4

1,027

1,022

0,993

0,993

1,001

2023

1

1,064

1,045

1,036

1,011

1,008

2023

2

1

1,031

1,03

1,027

1,008

2023

3

0,97

0,985

1,01

1,014

1,015

 

 

Crise

 

Point de retournement

 

Vague d’accélération

 

Donc une vague d’accélération depuis le premier trimestre 2023 avec un point de retournement au deuxième trimestre 2022.

1.3         Taux de profit général

 

2020

1

1,089

1,05

1,022

1,016

1,021

2020

2

1,336

1,218

1,151

1,105

1,084

2020

3

0,791

1,024

1,042

1,036

1,023

2020

4

0,945

0,859

0,999

1,018

1,017

2021

1

0,91

0,928

0,874

0,979

0,998

2021

2

0,976

0,941

0,943

0,895

0,978

2021

3

1,008

0,992

0,962

0,958

0,915

2021

4

0,994

1,001

0,992

0,97

0,964

2022

1

0,963

0,979

0,988

0,985

0,969

2022

2

0,953

0,958

0,97

0,98

0,979

2022

3

1,016

0,984

0,977

0,981

0,987

2022

4

1,016

1,016

0,994

0,986

0,988

2023

1

1,047

1,032

1,027

1,008

0,998

2023

2

1,019

1,033

1,027

1,024

1,01

2023

3

0,99

1,004

1,018

1,018

1,017

 

 

 

Crise

 

Point de retournement

 

Vague d’accélération

 

 

 

 

 


 

1.4         Taux de profit d’entreprise

2020

1

1,146

1,065

1,025

1,018

1,027

Février 2020

2020

2

0,955

1,044

1,025

1,006

1,004

Avril 2020

2020

3

0,688

0,824

0,924

0,938

0,941

2020

4

1,222

0,905

0,924

0,98

0,981

2021

1

0,893

1,041

0,901

0,917

0,964

2021

2

0,892

0,892

0,992

0,899

0,913

2021

3

1,07

0,976

0,945

1,009

0,928

2021

4

1,037

1,053

0,996

0,967

1,015

2022

1

0,997

1,017

1,033

0,996

0,973

2022

2

0,929

0,963

0,987

1,007

0,983

2022

3

1,009

0,968

0,978

0,992

1,007

2022

4

1,014

1,012

0,983

0,986

0,997

2023

1

1,064

1,039

1,029

1,003

1,002

2023

2

0,99

1,026

1,022

1,019

1

2023

3

0,969

0,98

1,007

1,008

1,009

 

 

 

Crise

 

Point de retournement

 

Vague d’accélération

 

 

 

 

 

 

 


 

1.5         Taux de plus-value général

 

2020

1

1,088

1,05

1,021

1,015

1,02

Février 2020

2020

2

1,311

1,204

1,142

1,098

1,078

Avril 2020

2020

3

0,8

1,021

1,04

1,034

1,021

2020

4

0,953

0,868

0,999

1,018

1,017

2021

1

0,91

0,932

0,88

0,979

0,998

2021

2

0,978

0,942

0,946

0,901

0,979

2021

3

1,011

0,994

0,964

0,961

0,92

2021

4

0,993

1,002

0,994

0,971

0,967

2022

1

0,961

0,977

0,988

0,986

0,969

2022

2

0,951

0,956

0,969

0,979

0,979

2022

3

1,015

0,982

0,975

0,98

0,986

2022

4

1,013

1,014

0,992

0,984

0,986

2023

1

1,048

1,031

1,025

1,006

0,997

2023

2

1,018

1,032

1,026

1,023

1,009

2023

3

0,991

1,004

1,018

1,017

1,017

 

 

 

Crise

 

Point de retournement

 

Vague d’accélération

 

 

Dans tous les cas, nous avons une vague d’accélération qui commence au premier trimestre 2023 avec un point de retournement qui peut être fixé au deuxième trimestre 2022.

 

Il y a donc un contraste saisissant entre le rapport i/p, rapport que nous privilégions et les autres taux et rapports qui effectivement légitiment l’idée que la perspective d’une crise ne peut pas être écartée. C’est la première fois qu’un tel écart se manifeste entre les séries de données. Le point de retournement du rapport i/p n’a pas été atteint ou sinon il date du troisième trimestre 2023.

1.6         Un nouveau type de cycle

La signification de ce phénomène qui doit également être reliée à la physionomie du onzième cycle où nous avons vu que les politiques monétaires et budgétaires de la bourgeoisie américaine avaient joué un grand rôle, ce qui a conduit, à travers au moins deux sous-cycles, au cycle le plus long de l’histoire du capitalisme moderne.

 

Depuis le onzième cycle, nous sommes entrés dans une nouvelle catégorie de cycles : les cycles administrés, des cycles sous une intense perfusion de dettes et de manipulation des taux afin de soutenir l’accumulation du capital. Lors du précédent cycle, cette débauche de moyens a été un des facteurs qui a favorisé l’emballement de l’inflation, phénomène qui d’une certaine manière arrange bien le gouvernement puisqu’elle allège sa dette et les banques pour autant qu’elles puissent prêter, sachant que le taux d’intérêt réel est resté négatif et sinon très bas à mesure que l’inflation des prix recule. C’est aussi un soutien au système financier et boursier sur lequel les taux d’intérêt en hausse exercent une pression à la baisse.

 

Mais, comme toujours, ce qui a été escompté aujourd’hui sera payé d’autant plus cher demain. La bourgeoisie est incapable de maîtriser les forces productives.

 

Dans de prochaines mises à jour nous reviendrons sur l’analyse d’autres aspects de ce nouveau cycle.

 



[1] Latribune.fr, 27/03/2023

[2] Challenges.fr, Philippe Boulet-Gercourt, 25/08/2023

[3] Cf. notre mise à jour n°11 à propos du onzième cycle.

[4] Challenges.fr, Philippe Boulet-Gercourt, 25/08/2023

[5] La récession des riches se poursuit aux Etats-Unis, Carole Le Hirez, 20/7/2023, Finance et Investissement.

[6] Etats-Unis, un dernier trimestre de croissance avant la récession ? Hélène Baudchon, 23/06/2023 BNP Paribas.