Sur la plus-value relative

 

Robin Goodfellow

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date

Décembre 2014

Auteur

Robin Goodfellow

Version

1.0

 

Sur la plus-value relative

Il existe une tradition constante de la gauche intellectuelle brésilienne qui consiste à minimiser sinon nier tout développement du mode de production capitaliste au Brésil ou encore en Chine, Inde ou Russie. Cette tradition qui voit dans l’impérialisme un obstacle absolu au développement se perpétue de manière chaque fois plus absurde.

Dire que sur l'échelle industrielle des nations, ces pays occupent une position inférieure à celle des vieilles nations capitalistes est tout à fait exact, mais nier que ces même pays ne grimpent pas plus vite que les vieilles nations et de ce fait amorcent un rattrapage tout en déstabilisant les positions de ces vieilles nations sur le marché mondial serait faire preuve d'une profonde cécité.

Cette analyse repose particulièrement sur l’idée que la productivité et par suite la compétitivité des nations les plus développées est élevée parce que la valorisation du capital repose sur la prédominance de la production de plus-value relative tandis qu’au Brésil, Chine, etc. la valorisation du capital repose de manière prédominante sur la production de plus-value absolue. Il s'ensuit que leur productivité et compétitivité y est basse.

Une telle conception repose sur la plus grande confusion quant aux concepts fondamentaux du marxisme et sur l'ignorance de la loi de la valeur à l'échelle internationale.

Production de plus-value relative et durée de la journée de travail.

Il est évident que pour Marx la plus-value absolue[1] ne peut exister que s'il existe un certain degré de productivité  et que la plus-value relative ne peut exister que s'il existe une certaine durée de la journée de travail. Dans l’histoire, une fois la production capitaliste, accompagnée de son surcroît de productivité installée, comme le procès de travail est celui qui est hérité des anciens modes de production, l'accroissement de la productivité ne peut se mouvoir que dans des limites étroites, aussi ce n’est que par la prolongation de la journée de travail, la production de plus-value absolue, et l'extension de la production que le capital peut se valoriser au maximum.

 

Mais ensuite, avec la révolution industrielle, le machinisme, le capital peut se subordonner réellement le travail. S'ouvre alors une nouvelle période pour la production capitaliste, celle de la grande industrie. Marx,  une fois prises les précautions d'usage, date de manière précise le début de la révolution industrielle : 1735. Avec le développement du machinisme, le capital va pouvoir repousser les limites de la production de plus-value. D'une part, en développant la productivité du travail et avec elle la plus-value relative, d'autre part en augmentant la longueur de la journée de travail, la machine permettant en effet de briser la résistance du prolétariat et de substituer les femmes et les enfants aux hommes. Jusqu'à un certain point la production de plus-value relative et la production de plus-value absolue ne sont pas incompatible et c'est ce que l’on observe avec la révolution industrielle. Ce n'est qu'à partir du deuxième tiers du XIXe siècle que les deux phénomènes entrent en opposition. Dès lors la classe capitaliste opte pour le développement de la plus-value relative en développant productivité et intensité du travail afin de compenser, et au-delà, la réduction de la journée de travail. Mais la tendance à l'allongement du temps de travail ne disparaît pas pour autant, elle se manifeste à travers les heures supplémentaires, le travail posté, la recherche de la compensation de la baisse des surprofits, l'âge de départ à la retraite, la lutte pour l’augmentation du temps de travail légal, etc.

 

Dans un pays comme la France en deux cents ans, le temps de travail annuel à plus ou moins été divisé par deux (3000 heures en 1800, environ 1600 actuellement). Aujourd’hui, le PIB du Brésil se rapproche de celui de la France et il devrait probablement le dépasser dans les prochaines années. Pour prétendre opposer radicalement, du point de vue du mode de valorisation du capital, de la production de plus-value, le Brésil et la France par exemple, il faudrait montrer que le temps de travail aurait tendance à augmenter au Brésil tandis qu'il aurait tendance à diminuer en France.

 

Avant d’analyser les données statistiques disponibles, il convient de préciser un point. Chercher l’équivalent des catégories du socialisme scientifique dans le maquis des statistiques bourgeoises est un tâche qui exige une grande prudence (par exemple on n’y fait pas la distinction entre travailleurs productifs et improductifs). Au-delà de la faiblesse des théories sur lesquelles elles s’appuient, on ne peut pas oublier que la classe capitaliste escamote et manipule les données à sa convenance. Mais malgré tout, en dépit des ajustements nécessaires et des approximations grossières, les données disponibles parlent d’elles-mêmes, de sorte qu’il reste peu de doutes pour ce qui concerne les grandes tendances.

 

En relation à ces grandes tendances, quel est le cadre d’évolution de la journée moyenne de travail actuelle au Brésil ? Malgré les difficultés pour obtenir une série suffisamment conséquente sur une période significative, disons de trente ans, on constate que le Brésil suit la tendance historique de long terme des pays les plus développés de raccourcissement de la journée moyenne de travail. Nous allons considérer ici la période qui va de 1982 à 2012[2]. Un premier résultat, qui découle de la comparaison de l’évolution des heures travaillées (HT) par an, avec l’évolution de la population occupée (PO), est la confirmation de la tendance générale de raccourcissement de la journée moyenne de travail sur l’année[3], comme on peut le déduire de la figure 1. Le graphique montre que le taux de croissance de la population occupée, près de 100% sur la période, est plus grand que celui de la première, qui représente une croissance d’environ 75%.

 

Figure 1. Comparaison de la population occupée avec la quantité d’heures travaillées annuellement. Source : Barbosa Filho, F.H. ; Pessôa, S.A., 2013, op.cit.

La figure 2 présente l’évolution de la journée moyenne de travail annuelle sur la période considérée.

Figure 2. Evolution moyenne de la journée de travail annuelle. Source : Barbosa Filho, F.H. ; Pessôa, S.A., 2013, op.cit.

On peut noter que entre 1982 et 1988 la journée moyenne, encore sous le régime de la loi des 48 heures hebdomadaires de 1943 montre déjà une tendance à la baisse (environ -3,1%) et dans les trois années qui suivent la loi des 44 heures hebdomadaires (Constitution de 1988), la baisse est plus accentuée (près de -8,4%). Cette tendance montre que la loi des 44 heures fut une conséquence d’une tendance déjà en mouvement  et que les dernières quinze années, la semaine de travail moyenne varie autour de 40 heures. De la même façon, la revendication en cours depuis quelques temps de la loi des 40 heures est une conséquence de cette tendance au raccourcissement.

 

Pour renforcer notre arguent contre un raffinement de cette tradition qui dit que la proportion de la population qui travaille en périodes moyennes de travail de plus de 44 heures est plus grande et n’a pratiquement pas variée jusqu’à aujourd’hui, ou même a augmentée, nous pouvons élaborer un cadre basé sur les données disponibles. Le cadre 1 représente la distribution, en pourcentage, de la population occupée au Brésil POR FAIXAS de durée de la période moyenne de travail sur une sélection de quelques années[4].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Parcela da População Ocupada por Jornada de Trabalho (em %)

 

1986

1989

1992

1995

1998

2004

2008

2012

<40 h

(*)

(*)

(*)

29,5

29,5

30,2

29,8

27,2

40-44h

(*)

(*)

(*)

32,6

31,6

34,3

39,4

44,7

>44 h

53,9

39,6

39,4

38,9

38,9

35,5

30,8

28,1

Tableau 1. Distribution de la population occupée par période moyenne de travail. Sources : IBGE et PNAD des années référencées.

La proportion de population qui travaille plus de 44 heures a diminué de manière systématique depuis 1986, de presque -48%, et celle qui travaille entre 40 et 44 heures augmente également de manière systématique de presque 37%  sur la période 1995-2012. Il convient d’observer que pour les travailleurs salariés en emplois fixes, les vacances sont de 30 jours et qu’il existe une dizaine de jours fériés. En chiffres approximatifs, le temps de travail annuel pour une occupation à temps plein est environ 20% supérieur à ce qui existe en France (un des pays du monde où le temps de travail est le plus faible).

 

Tous ces résultats démontrent que la tendance générale de l’évolution de la période moyenne de travail annuelle au Brésil suit le chemin inverse de ceux qui prétendent que la proportion de population occupée qui travaille plus que la journée de travail légale ne varie pas et est « structurellement » prédominante, ce qui reflète la « prédominance de la production de plus-value absolue ». Evidemment, si le rapport de forces est favorable et si elle en ressent la nécessité, la classe capitaliste contraint le prolétariat à produire de la plus-value absolue même dans les procès de travail basés sur le machinisme moderne, comme Marx l’a bien montré dans le livre I du « Capital », ce qui n’invalide en rien la tendance mise en évidence.

 

Ainsi, le Brésil suit la tendance historique de long terme des pays les plus développés tandis que ceux-ci, notamment compte tenu de effets d'une concurrence croissant, tendent à ré-augmenter le temps de travail (par exemple en France le prolétariat est confronté à une volonté de remettre en cause la semaine de 35 heures, à une augmentation du temps de travail effectif, à une augmentation du nombre d'années de travail  pour obtenir une retraite à temps plein, à un recul de l'âge légal pour partir à la retraite - 62 ans contre 60 ans dans le cas qui devient de moins en moins le cas général, et ainsi de suite).

Nous n’avons donc pas d’un côté des pays développés qui réduisent le temps de travail – ils ont tendance à l’augmenter – tandis que de l’autre côté, dans les pays comme le Brésil, la Chine ou la Russie, on allongerait la journée de travail, forme caractéristique de l’extraction de la plus-value absolue.

Procès de travail et production de plus-value.

D’un point de vue théorique, une deuxième manière de mettre en avant la production de plus-value absolue serait de considérer que le procès de travail ne permet pas de produire de la plus-value relative. Dans le livre I du « Capital », Marx compare le producteur de textile anglais qui dispose de machines et le producteur chinois qui file encore avec des instruments hérités des formes de production pré capitalistes

 

« Que le fileur anglais et le fileur chinois travaillent le même nombre d'heures avec le même degré d'intensité, et ils vont créer chaque semaine des valeurs égales. Pourtant, en dépit de cette égalité, il y aura entre le produit hebdomadaire de l'un, qui se sert d'un vaste automate, et celui de l'autre, qui se sert d'un rouet primitif, une merveilleuse différence de valeur. Dans le même temps que le Chinois file à peine une livre de coton, l'Anglais en filera plusieurs centaines, grâce à la productivité supérieure du travail mécanique; de là l'énorme surplus d'anciennes valeurs qui font enfler la valeur de son produit, où elles reparaissent sous une nouvelle forme d'utilité et deviennent ainsi propres à fonctionner de nouveau comme capital. » (Marx, Capital, L.I, Pléiade, T.I, p.1112)

Dans cette configuration c'est le producteur de Manchester qui ruine le producteur chinois.

 

Aujourd'hui, sur le marché mondial, la Chine est devenue le premier producteur mondial de vêtements et inonde le monde de vêtements à bas prix.

 

Il conviendrait de se demander si cette production comme étant réalisée avec des rouets ou à l'aide de machines fonctionnant à l'électricité ?

 

Il suffit d’observer les usines chinoises pour voir que quelle que soit l'importance du temps de travail, les épouvantables conditions de travail, la discipline quasi militaire qui y est  imposée et l'usure prématurée des travailleurs qu'elle engendre, la production repose sur l’utilisation des machines. Il en va de même au Brésil, dans la construction automobile et aéronautique, la métallurgie, et autres secteurs industriels, inclus le textile.

 

La question de savoir si ce processus de travail suppose une main d'œuvre importante en regard du capital constant avancé, en d'autres termes si nous avons affaire à des secteurs ou la composition technique du capital est inférieure à la moyenne  des pays développés et à donc permis à ces pays de concurrencer efficacement les pays les plus avancés dès lors que les marchandises produites sont identiques ne doit en rien masquer le fait que cette production repose sur un machinisme moderne qui est parfois équivalent à ceux des pays les plus développés (rien ne ressemble plus à un ordinateur chinois en Chine qu'un ordinateur chinois aux États-Unis, au Brésil ou en France).

Evolution du salaire réel

Un troisième argument qui pourrait être avancé, plus subtil et inscrit dans la tradition d’une gauche intellectuelle brésilienne toujours prompte à chercher la petite bête, serait de considérer que cette productivité ne concerne que faiblement les marchandises qui entrent dans la reproduction de la force de travail.  Par exemple, pour la Chine la productivité élevée ne concernerait que les marchandises exportées ou encore des objets de luxe consommés par les nouveaux riches. L'argument aurait d'autant plus de portée que le salaire serait famélique, ne permettant d'acheter que quelques produits de base.

 

Cet argument était déjà très en vogue dans les années 80 dans le marxisme corrompu de la gauche brésilienne. Il était supposé expliquer les difficultés voire l'impossibilité du développement capitaliste au Brésil. Ce serait donc prétendre que les éléments constitutifs de la reproduction de la force de travail n'ont pas varié, qu'ils n'évoluent pas historiquement, que les salaires réels n'ont pas augmenté et ne le peuvent pas ; bref, ce serait rééditer une variante de la paupérisation absolue de la classe prolétaire, que la moindre statistique, la moindre appréciation du niveau de vie et du type de consommation de la classe ouvrière infirme au premier coup d'œil.

 

Voyons l’évolution du salaire réel moyen au Brésil[5]. Etant donné les difficultés pour définir et calculer les marchandises qui entrent dans la reproduction de la force de travail, qui doit prendre en compte la famille du travailleur et ses membres non salariés, les marchandises nécessaires en plus des moyens de subsistance, etc. nous calculerons ici in indice indirect pour APONTAR la tendance générale de l’évolution du salaire réel. Cet indice exprime l’évolution de la capacité du salaire nominal annuel moyen à acheter les moyens de subsistance nécessaires pour la reproduction annuelle de la force de travail d’un seul travailleur. Il sera appelé ‘capacité de subsistance », dont la tendance à la hausse indique que le travailleur peut acheter plus de marchandises, signalant une tendance à l’augmentation du salaire réel.

 

On rencontre une autre difficulté dans la nature des données statistiques sur la masse salariale pour la période antérieure à 1994 (mise en place du « Plan Real »). Ainsi, au lieu de la période que nous analysons, nous considérerons la période 1994-2012. La « capacité de subsistance » sera définie par la relation entre le salaire nominal moyen annuel par travailleur et le prix moyen des subsistances nécessaires consommées pendant un an par travailleur[6].

Les marchandises qui constituent ces moyens de subsistance sont celles définies dans le « panier de base » selon la loi n° 399 de 1938 encore en vigueur.

 

La figure 3 présente l’évolution de trois composantes : le salaire nominal moyen annuel (SN), le prix moyen annuel des moyens de subsistance (PM) et la « capacité de subsistance » (CS). Les valeurs ont été calculées avec pour indice base 100 en 1994. Les valeurs monétaires en Reals, comme pour les autres parties de ce travail, sont des valeurs déflationées pour janvier 2013. En observant les tendances des courbes des trois composantes (en lignes pointillées), la figure montre que : après une période de baisse, le taux de croissance du prix moyen annuel des moyens de subsistances présente une hausse  à partir de la crise de 2001, mais en contrepartie le salaire nominal annuel moyen croît plus rapidement que lui à partir de 2003-2004. Quant à la tendance de la « capacité de subsistance », après être restée relativement constante jusqu’en 2002, elle présente une hausse continue, indiquant que la tendance du salaire payé au travailleur (salaire nominal) lui permet d’acheter plus de marchandises que les « moyens de subsistances » considérés. De toutes façons, il est supérieur à la tendance du prix moyen des moyens de subsistance au long de toute cette période. En d’autres termes, ce comportement indique une augmentation du salaire réel moyen, démolissant le troisième argument.

 

Figure 3. Evolution du prix moyen annuel des moyens de subsistance (PM), du salaire nominal annuel moyen (SN) et de la « capacité de subsistance » (CN). Sources : IBGE, DIEESE – publications de la période

Dans la littérature révisionniste on trouve également, sous couvert de plus-value absolue un argument qui n'a rien à voir avec le sujet et qui montre à quel point le marxisme de la chaire propage sans vergogne les assertions révisionnistes les plus fantaisistes. Selon cette conception, il y aurait une production de plus-value absolue car le prix de la force de travail serait en dessous de la valeur. Pour Marx, la plus-value absolue se réfère seulement au prolongement de la journée de travail et, par conséquent, sa définition ne vise pas le prix de la force de travail[7]. Or, celui-ci fluctue autour de la valeur en relation avec l'offre et la demande de travail et, bien entendu,  avec le développement d'une surpopulation (absolue et/ou relative). Dans le mode de production capitaliste le plus moderne – subordination réelle du travail au capital - la probabilité d’une relation de forces favorable au capital augmente et, par conséquent, l’augmentation de la surpopulation relative se voit plus fortement reliée au développement de la composition organique du capital, de la productivité du travail et de la plus-value relative. Autrement dit la chute du prix de la force de travail au-dessous de sa valeur n’est pas une caractéristique de la subordination formelle du travail au capital ou de la production de plus-value absolue, mais parcourt toute l’histoire du mode de production capitaliste.

La loi de la valeur à l’échelle internationale.

C’est donc une pure vue de l’esprit que d’opposer un monde dénué de productivité et reposant sur la production de plus-value absolue et un monde de haute productivité reposant sur la production de plus-value relative.

 

Pour Marx, la loi de la valeur est profondément modifiée dans son application internationale : la productivité du travail y compte comme intensité chaque fois que la concurrence n'oblige pas le pays le plus riche à ramener cette valeur au niveau du pays le moins développé. Tant que la division internationale du travail fonctionne à l'avantage du pays le plus développé, donc tant que les marchandises qu'il produit évitent la concurrence des nations les moins développées,  la nation la plus riche peut exploiter au mieux, dans ses échanges, la nation la plus pauvre.

 

Par exemple, une journée de travail dans le pays A, le pays riche, comptera sur le marché mondial comme trois jours de travail du pays pauvre, car la productivité dans le pays A sera trois fois plus élevée que dans le pays B. Nous avons vu que la France et le Brésil avaient un PIB plus ou moins identique, mais le PIB en France est réalisé avec une vingtaine de millions de personnes qui travaillent environ 1 600 heures par an, soit un peu plus de 32 milliards d’heures. Pour réaliser la même valeur sur le marché mondial, le Brésil doit mobiliser près de 100 millions de personnes qui travaillent plus de 2 000  heures par an soit 200 milliards d’heures. Très grossièrement, nous en déduisons que 1 heure de travail en France s'échange contre 6 heures de travail au Brésil.  Le pays le plus productif exploite l'autre dans leurs échanges au sein du commerce international.

 

Si la productivité augmente, et avec elle la plus-value relative, la valeur apparente pour chaque travailleur actif [8] doit également augmenter, toutes choses égales par ailleurs. Est-ce que ceci vaudrait pour la France et pas pour le Brésil ? La figure 4 montre la tendance de l’évolution de la valeur apparente par travailleur active (VAA), un indicateur de l’intensité apparente du travail national sur le marché mondial. Comme on peut le voir clairement, ce phénomène d’augmentation s’applique également au Brésil et montre que cette nation obéit également à la loi de la valeur à l’échelle internationale, en s’intégrant au grand jeu de la division internationale du travail. Les relations de domination ne sont pas fixes et absolues, mais évolutives et relatives.

La tendance à l’augmentation de cet indicateur montre, par conséquent, le potentiel d’une nation pour gagner des positions par rapport à d’autres nations dans la division internationale du travail. Pour ceux qui soutiennent la permanence de la prédominance de plus-value absolue au Brésil, bien qu’ils ne reconnaissent pas la transformation de la loi de la valeur au plan international, et par conséquent ne prennent pas en considération un tel indicateur, la valeur apparente par actif ne devait pas présenter une tendance à la hausse.

 

Parmi les différentes difficultés pour obtenir un indice, l’une est que la population occupée dans les statistiques bourgeoises inclut aussi bien le travail productif que le travail improductif. Ceci signifie que la grandeur de cette valeur est bien supérieure à celle qui est calculée ici. La figure 4 montre l’évolution de la valeur apparente par actif en Réals  (valeur janvier 2013) pour la période 1982-2012[9] . Cette valeur passe d’environ 40 500 Réals en 1982 à 53 700 Réals en 2012 : une variation d’un peu plus de 32% en 30 ans, c’est-à-dire près de 0,94% par an considérant aussi bien le travail productif que le travail improductif. Ce résultat montre que le mode de production capitaliste au Brésil, même de manière peu spectaculaire, présente une tendance croissante à l’augmentation de son potentiel, pour monter dans l’échelle des nations sur le marché mondial.

 

Figure 4. Evolution de la valeur apparente par actif. Source primaire : IBGE – PNADs et PMEs sur la période.

Une autre considération qui renforce ce résultat est présentée avec la figure 5 : la comparaison des tendances des taux de variation annuels de la population occupée (PO) et des taux de variation annuels de la valeur apparente par actif (VAA). Nous pouvons observer la tendance à la hausse du taux de croissance de la valeur apparente par actif, tandis que la tendance du taux de croissance de la population occupée est à la baisse, et ceci dans le cadre de la diminution de la journée moyenne de travail. Une tendance par conséquent diamétralement opposée à celle soutenue par les défenseurs de la prédominance « invariante » de la plus-value absolue au Brésil.

Figure 5. Evolution des taux de variation annuels de la valeur apparente par actif et de la population occupée. Source primaire : IBGE – PNADs et PMEs sur la période.

Maintenant, supposons que le Brésil soit à même de produire le même produit que la France. Par exemple, un poulet de batterie. Dans ce cas, comme la valeur des marchandises qu'il produit est beaucoup plus basse, il est capable de faire subir au pays le plus riche une concurrence dévastatrice. Le pays le plus riche doit réduire fortement voire abandonner cette production et rechercher des produits à plus forte valeur ajoutée, par exemple des poulets élevés en agriculture biologique. La division internationale du travail se modifie, évolue. Ces différences de productivité se reflètent dans la valeur des monnaies. On comprendra alors aisément qu'une guerre sourde est engagée entre la monnaie chinoise, le renminbi [10]et le dollar par exemple.

 

On remarquera aussi que nous n'avons pas évoqué ici le niveau des salaires de chaque pays. Le pays le moins productif n’est pas le plus compétitif à cause de ses bas salaires comme le veut la théorie économique de la bourgeoisie mais parce que la valeur des marchandises y est plus basse et si les salaires augmentent cela n'atténue pas leur compétitivité comme l'espèrent les réformistes. Toutes choses égales par ailleurs, ce sont les profits qui baissent. L'unité du prolétariat mondial doit se faire sur le cadavre de telles théories qui poussent les prolétaires à s'entre déchirer et à abaisser leur salaire.

 

Un effort scientifique important est requis pour restaurer et développer la théorie marxiste de la loi de la valeur à l'échelle internationale (notre présentation est très sommaire, il faut aussi prendre en compte les effets des différences d'intensité, de qualification, etc.) et plutôt que d'adhérer à des concepts plus que douteux comme celui du "capital financier", nos analystes feraient mieux de consacrer leurs talents à cette tâche.

 

Par conséquent, c’est une réalité indéniable que la Chine ou le Brésil ont la possibilité d’arriver au niveau des pays développés, comme le montre la figure 6 de l’évolution comparée des PIB en relation avec les Etats-Unis, première puissance économique mondiale.

Figure 6. Evolution comparative du PIB des BRIC en relation au PIB des USA

Il est juste de considérer que le niveau des exportations de la Chine est relativement élevé pour un pays de cette taille ; il est juste de mettre en évidence la part des exportations chinoises (50%) qui proviennent de centres de production détenus par des multinationales[11] (notamment américaines) ; on peut aussi souligner la faiblesse du commerce net que des exemples comme la production de l’Ipad illustrent de façon caricaturale. Cela traduit l’importance des activités d’assemblage dans le commerce extérieur chinois. Mais, faire uniquement de la Chine un atelier du monde soumis à la demande du monde développé serait nier son développement autonome. Si l’assemblage reste une composante majoritaire de l'activité exportatrice il ne doit pas faire oublier les autres aspects du développement chinois. La part des exportations dans le PIB est certes très élevée pour un pays de cette dimension mais elle ne constitue pas le seul débouché de la production chinoise.

 

« Le gonflement de l’excédent était aux deux-tiers attribuable aux activités d’assemblage. Attirés par les faibles coûts d'entrée dans ces activités, les investisseurs étrangers ont développé en Chine des sites de production globalisés étroitement liés à une demande extérieure en forte expansion, notamment dans les biens électroniques. Mais le « commerce ordinaire » a contribué aussi à la montée de l’excédent global en passant d’un léger déficit à un excédent massif. Ce retournement de position était principalement dû aux investissements des entreprises chinoises dans deux secteurs de l’industrie lourde : «Machines » et « Métaux de base ». La demande internationale et les politiques nationales de substitution aux importations a alimenté ainsi l’explosion de l'excédent commercial. » « Le rééquilibrage de l’économie chinoise : Etat des lieux. », Françoise Lemoine et Denis ünal

 

 

 

 

 

 

La nature des exportations comme des importations montre à l'évidence un développement autonome

 

Figure 7. Part dans le commerce manufacturier mondial des principaux exportateurs de biens manufacturés. Graphique extrait de « Le rééquilibrage de l’économie chinoise : Etat des lieux ». Françoise Lemoine et Denis ünal

 

Figure 8. Solde commercial de la Chine en % du PIB. Graphique extrait de « Rééquilibrage de l’économie chinoise : Etat des lieux ». Françoise Lemoine et Denis ünal.

 

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Figura 9. Parcelas nas importações mundiais (exclusive intra-união europeia, em %). Gráfico extraído de « Le rééquilibrage de l’économie chinoise : Etat des lieux ». Françoise Lemoine et Denis Ünal

Après la chute de Mussolini, la bourgeoisie américaine pensa qu'il était important de donner des cours de politique aux Italiens ; cela les fit bien rire. Le mandarin est paraît-il une langue qui se prête particulièrement aux jeux de mots et on peut penser que la plus vieille civilisation du monde s'amusera bien le jour ou quelque consultant américain voudra leur enseigner le commerce. À côté des investissements étrangers, pour une bonne part d'ailleurs sous le contrôle de l'Etat, se développent une industrie nationale et des entreprises et banques multinationales d'origine chinoise (cela vaut aussi pour la Russie, l'Inde, le Brésil). Ainsi le dernier classement des 500 premières entreprises mondiales par le magazine Fortune établit que la Chine occupe le deuxième rang avec 95 entreprises soit 16 de plus que l’année précédente.

 

Tout n’est pas rose dans ce tableau car il s’agit pour l’essentiel d’entreprises d’Etat intervenant dans l’industrie (sidérurgie, l’automobile, produits chimiques) ou la finance (Banque industrielle et commerciale de Chine).

 

Le classement des plus grandes entreprises chinoises montre que sur les 123 sociétés qui ont un chiffre d’affaires supérieur à 100 milliards de yuans on ne trouve que 16 sociétés privées. Le numéro 1 est le pétrolier Sinopec suivi du plus grand producteur national de pétrole et de gaz (China National Petroleum Corporation, société mère de PetroChina). Pour obtenir les dix premières il faut ajouter State Grid, Industrial and Commercial Bank of China, China Construction Bank, Agricultural Bank of China, Bank of China, China Mobile, China State Construction et China National Offshore Oil Corporation soit 8 autres entreprises d’Etat. Ces entreprises d’Etat n’ont qu’une rentabilité relative, comme le montre la répartition des résultats : les neufs banques commerciales chinoises de ce classement obtiennent plus de 55% des bénéfices totaux des 89 entreprises chinoises[12]. Ces faits et les déséquilibres qu’ils marquent ne doivent pas occulter une autre dynamique, celle des entreprises privées. En novembre 2013, la Chine comptait 15,04 millions d’entreprises (la croissance mensuelle est supérieure à 1%) pour un capital social de 95 290 milliards de yuans. Parmi celles-ci, on trouve 446.400 entreprises à capitaux étrangers dont le capital social était de 12 320 milliards de yuans (2 020 milliards de dollars). (Source : Administration générale d'Etat pour l'industrie et le commerce.)

 

Donc aux côtés de l’industrie et de la finance d’Etat, aux côtés des entreprises à capitaux étrangers qui jouent un rôle prépondérant se développe un capitalisme privé très dynamique. Il représente la majorité (61% en 2012) des investissements chinois à l’étranger. Si ceux-ci sont loin, en stock, d’égaler les investissements étrangers en Chine[13], les flux actuels (87,8 milliards de dollars sortants contre 121 milliards de dollars entrants en 2012) montrent que l’écart n’est plus que de l’ordre de 40%.

 

C'est en fait la vieille prévision de Marx qui est en train d'advenir :

 

« De nos jours, ces aspirations ont été de beaucoup dépassées, grâce à la concurrence cosmopolite dans laquelle le développement de la production capitaliste a jeté tous les travailleurs du globe. Il ne s’agit plus seulement de réduire les salaires anglais au niveau de ceux de l’Europe continentale, mais de faire descendre, dans un avenir plus ou moins prochain, le niveau européen au niveau des chinois. Voilà la perspective que M. Stapleton, membre du Parlement anglais, est venu dévoiler à ses électeurs dans une adresse sur le prix du travail dans l’avenir. « Si la Chine, dit-il, devient un grand pays manufacturier, je ne vois pas comment la population industrielle de l’Europe saurait soutenir la lutte sans descendre au niveau de ses concurrents. » » (Marx, Capital, L.I, Pléiade, T., p.1106-1107)

 

La dynamique du capitalisme chinois est loin d’être achevée. La république démocratique est une des revendications potentielle de ces cohortes d’entrepreneurs, de classes moyennes et bien sûr du prolétariat. C’est d’ailleurs lui qui, dès lors qu’il en serait le principal bénéficiaire, rend ces nouvelles classes hésitantes vis-à-vis de la république démocratique.

 

La crise de 2007-2009 dont les effets sont loin d’être partout résorbés a mordu la Chine comme les autres nations. Le niveau de l’accumulation, ainsi qu’une politique de soutien ont permis de limiter les effets de cette crise. Ici aussi les conséquences de ce soutien ne sont loin d’être surmontées. Les prochaines crises frapperont d’autant plus durement la Chine. Bien plus, à mesure que la Chine grimpe plus vite que les autres pays, l'échelle industrielle des nations, elle laisse vacant les derniers barreaux. Dès lors que d'autres pays peuvent réaliser ce qu'elle est capable de produire, ils sont à même de la concurrencer efficacement. Pourquoi ? Parce que le travail chinois du fait du  développement plus rapide  de la  productivité reçoit sur le marché mondial un poids spécifique plus élevé, le renbimbi s'apprécie et freine la compétitivité de produits chinois tout en les ouvrant à une  concurrence nouvelle.

 

Quelles en sont les conséquences ? Pour autant que la Chine soit soumise à des donneurs d'ordre étrangers, ceux-ci vont faire produire une partie de leur production ailleurs (Samsung par exemple se tourne vers le Vietnam, Foxconn lorgne vers l'Indonésie) tandis que d’autres, c’est le cas de certaines entreprises américaines rapatrient leur production. Mais, comme nous l'avons rappelé, certains marchés, comme le marché mondial du textile par exemple, sont aussi dominés par des capitalistes autochtones et ce sont eux qui délocalisent la production vers les pays les plus concurrentiels. L'autre conséquence est qu'une nouvelle division du travail se met en place. Le bas de gamme tend à être produit dans les nouveaux pays industriels tandis que la Chine conserve la production de produits plus élaborés, s'efforce de développer des politique des marques afin de limiter la concurrence, de produire des produits de luxe, remontant ainsi vers le haut de gamme tout en entrant dans une forte concurrence avec les positions les plus solides des pays capitalistes les plus développé. Une organisation du travail laissant une part plus grande à l'automatisation se met en place. Des techniques hier peu rentables le deviennent. Voici rapidement et schématiquement esquissé les conséquences de l'application de la loi de la valeur à l'échelle internationale.

 

Finalement, il faut se demander pourquoi, en dépit du fait que les tendances générales démontrent le contraire, se maintient de manière obstinée la thèse du maintien de la production de plus-value absolue dans des pays comme le Brésil, la Chine, etc. ? Un argument qui, à première vue semble sophistiqué, dit que l’impérialisme conserve inaltérée, congelée, la division internationale du travail, maintenant la production de plus-value absolue dans les « pays dominés », pour soutenir la production de plus-value relative dans les « pays dominants », de façon à compenser la tendance à « la baisse du taux de profit global » du capital. Pour ne pas allonger exagérément cet exposé, nous ne développerons pas ici les arguments contre cette thèse qui s’inscrit dans la tradition de Grossmann, Mattick, et compagnie[14].

 

Il suffit de dire ici qu’il n’y a pas un « taux de profit global » de la totalité du capital. On ne peut pas confondre le niveau d’abstraction que Marx réalise dans certaines parties de son œuvre, quand il fait abstraction du commerce extérieur en étudiant le capital en général pour analyser des phénomènes déterminés, avec la compréhension du capital comme un deus ex machina, comme une totalité abstraite. Même quand Marx analyse, par exemple, dans le livre II les schémas de reproduction à un haut niveau d’abstraction  pour étudier les phénomènes de ces schémas, et pour lequel on suppose une nation unique dans le monde, un marché unique sans commerce extérieur, il laisse clairement entendre qu’il s’agit d’un modèle abstrait et que le commerce extérieur est un moment nécessaire du mode de production capitaliste[15].

 

Ceci étant posé, considérer l’existence de ce dit « taux de profit global » implique d’assumer l’existence d’une égalisation (péréquation) des taux de profits nationaux à l’échelle internationale, comme si les nations étaient des « branches » économiques d’une seule « nation-monde », manifestation de la « totalité du capital ». Pour Marx cette égalisation n’existe pas[16] mais c’est justement l’argument qui sous-tend les notions de Grossmann et de ses épigones sur le commerce extérieur. Or, l’égalisation des taux de profit entre diverses fractions du capital suppose une similitude dans la productivité et dans l’intensité du travail entre les branches du capital d’un marché national, mais sur le marché mondial, comme nous l’avons rapidement rappelé ci-dessus, prévaut au contraire l’inégalité de la productivité et de l’intensité du travail entre les nations, c’est-à-dire, l’inégalité dans le degré de développement des forces productives du travail national.

 

De cette manière, les nations qui occupent les places les plus élevées sur l’échelle internationale indiquent aux autres le chemin qu’il leur reste à gravir. Il n’existe pas, par conséquent, une hiérarchie métaphysique qui immobilise la division internationale du travail et condamne les nations du camp “non impérialiste” à rester dans le cadre de la production de plus-value absolue tandis que l’autre camp produirait la plus-value relative. Cette division du travail est l’expression du marché mondial composé de ses différents moments – les marchés nationaux – avec des niveaux différentrs de productivité et d’intensité du travail, et, par conséquent, avec des taux de profit différents qui s’égalisent sur le plan national, mais pas sur le plan international.

Conclusion

Nous n'irons pas plus loin dans ces questions complexes, qui ne peuvent non plus se réduire à des concurrences entre états nations. Les entreprises multinationales à la fois dépassent les états en préparant les bases d'une planification mondiale de la société, planification qui devient d’autant plus nécessaire, du propre aveu de la bourgeoisie, que les forces productives qu’elle a mis en branle et qui lui glissent des mains menacent de se retourner contre le développement de l'humanité. La bourgeoisie cherche à dépasser ce cadre national mais elle ne le peut pas ; les entreprises multinationales le dépassent et le mettent en cause mais en même temps elles visent à le conserver pour jouer de ses différences afin d'optimiser leurs profits. La nécessité d’une révolution communiste est un besoin toujours plus pressant, le mouvement ouvrier a conquis la république démocratique au Brésil, en Inde, en Russie, c'est-à-dire le champ de bataille où peut se dérouler le combat final entre la bourgeoisie et le prolétariat (ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas à lutter pour son approfondissement). Son avènement, en Chine, serait un événement de la plus grande importance. De la crise du dollar ou de la révolution chinoise, lequel adviendra en premier ?

 

Enfin, l’opposition entre la production de plus-value relative au « centre » et la production de plus-value absolue à la « périphérie » n’a aucun fondement. La recherche du maximum de plus-value dans les BRICS et les pays similaires se fait selon deux méthodes : plus-value relative et plus-value absolue, certes dans le cadre d’une composition technique moyenne du capital de chacun de ces pays encore inférieure à celle des pays plus développés. Après avoir démontré, à travers l’illustration des tendances générales, que la production de plus-value relative existe au Brésil et en Chine, nous devrions renoncer ici à cette démonstration et nous détacher en même temps du marxisme ? Or, les données présentées sur le Brésil montrent que, du point de vue des grandes tendances, la part des salaires dans la valeur ajoutée, en dépit des hauts et des bas, est relativement constante dans la période analysée. Si la part des salaires diminue, il y a indiscutablement croissance de la plus-value relative, mais si elle ne diminue pas, la théorie marxiste nous dit qu’il est nécessaire de considérer les classes improductives et le travail qui ne crée pas de plus-value. Pour le marxisme, en même temps qu’augmente le travail productif de plus-value, se développe encore plus rapidement une classe moyenne moderne improductive et le travail non créateur de plus-value. Le résultat de ce phénomène analysé par Marx est que la valeur générée par chaque travailleur productif, c’est-à-dire, par chaque prolétaire, es bien supérieure que celle calculée en prenant en compte l’ensemble des travailleurs salariés. C’est ainsi que le marxisme affirme sa supériorité scientifique sur l’économie politique.



[1] « Prolonger la journée de travail au-delà du temps nécessaire à l’ouvrier pour fournir un équivalent de son entretien et allouer ce surtravail au capital : voilà la production de la plus-value absolue. Elle forme la base générale du système capitaliste et le point de départ de la production de la plus-value relative. Là, la journée est déjà divisée en deux parties, travail nécessaire et surtravail. Afin de prolonger le surtravail, le travail nécessaire est raccourci par des méthodes qui font produire l’équivalent du salaire en moins de temps» (Marx – Le Capital, Livre I, 5,16, Pléiade p.1002).

[2] L’élaboration d’une série fiable de données pour la durée de la journée de travail sur une longue période rencontre des difficultés supplémentaires dues aux changements dans les méthodologies de recueil des données effectués par l’IBGE (Institut Brésilien de Géographie et de Statistique), l’organe officiel de statistiques national (équivalent à l’INSEE en France). Dans le cas des heures travaillées et de la journée de travail, les principales sources d’informations sont le PNAD (Enquêtes nationales à domicile) et la PME (Enquête mensuelle sur les emplois), réalisées systématiquement depuis  le début de 1980. Nous choisissons a période de 1982 à 2012 pour NOS DEPARARMOS d’un travail technique intéressant d’économie politique qui cherche à comptabiliser ces changements méthodologiques et les accents distincts de ces deux recherches dans cette période. Barbosa Filho, F.H. ; Pessôa, S.A. Pessoal ocupado, horas trabalhadas, jornada de trabalo e produtividade no Brasil. Ensaios IBRE de Economia Brasileira, FGV 2013, pp.207-224. Nous ne nous étendrons pas ici sur les détails de la construction de la série des heures travaillées sur la période, car ceci impliquerait une longue digression sur les particularités techniques du traitement statistique. Ici, il suffit de dire que ce traitement n’est pas dépourvu de cohérence, dans les limites strictes de l’économie politique.

[3] Quand nous disons ici que nous nous intéressons seulement aux grandes tendances, nous nous concentrons sur les moyennes annuelles et non sur les fluctuations ponctuelles dues aux périodes d’accélération de la production pour la formation des stocks, les mauvaises périodes de vente, les crises du capital, etc.

[4] Le critère pour la sélection des années a été : 1986 (avant la loi des 44 heures), 1989 (juste après la promulgation de la loi), 1992 (crise), 1995 (période entre crises), 1998 (crise), 2008 (nous n’avons pas trouvé de données pour 2009 – crise), 2012 (fin de la période analysée). Les quantités référentes aux cases signalées par un astérisque (*) ont été rejetées, ne satisfaisant pas aux critères statistiques utilisés par la série longue.

[5] Marx définit trois types de salaires : salaire nominal, salaire réel et salaire relatif 

« Par conséquent, le prix du travail exprimé en argent, le salaire nominal, ne coïncide pas avec le salaire réel, avec la quantité de marchandises qui est réellement donnée en échange du salaire. Il ne faut donc pas, lorsqu’on parle de hausse ou de baisse du salaire, considérer uniquement le prix du travail exprimé en argent, le salaire nominal.

Or ni le salaire nominal, c’est-à-dire la somme d’argent pour laquelle le travailleur se vend au capitaliste, ni le salaire réel, autrement dit la somme de marchandises qu’il peut acheter pour cet argent, n’épuisent les rapports impliqués dans le salaire.

Le salaire est aussi, et avant tout, déterminé par le rapport où il se trouve avec le gain, avec le profit du capitaliste. C’est le salaire proportionnel, relatif. »

(Marx. Travail salarié et capital, La Pléiade t.1 p.218)

[6] Dans les grandes lignes, la méthode utilisée pour calculer la « capacité de subsistance » était a) le calcul du salaire minimum moyen par travailleur  - la masse salariale nationale divisée par la population occupée pour une année déterminée ; b) calcul du prix moyen des moyens de subsistance nécessaires – calcul du prix moyen annuel des moyens de subsistances consommées durant une année par travailleur. Toutes les quantités monétaires ont été exprimées en valeur courante de janvier 2013.

[7] « La production de la plus-value absolue n’affecte que la durée du travail, la production de la plus-value relative en transforme entièrement les procédés techniques et les combinaisons sociales. Elle se développe donc avec le mode de production capitaliste proprement dit. » (Marx, Capital, Livre I, 5 ,16)

[8] Le terme « apparent » fait référence à la modification, signalée plus haut, que la valeur subit dans son expression sur le marché mondial. Du point de vue de la théorie marxiste,  cette valeur est créée seulement par le travailleur productif.

[9] La méthode de calcul de la VAA est relativement complexe et présente quelques difficultés pour l’obtention de ses principaux composants. Son calcul comprend deux quantités : la masse de valeur créée nationalement et le total des travailleurs productifs qui l’on produit. Or, la première valeur requiert l’obtention de données du capital constant, du capital variable et de la plus-value. Comme nous le savons, l’économie politique ne considère pas le capital constant, disposant seulement de mesures grossières reliées au capital fixe. Quant à la seconde, comme nous l’avons déjà dit, les statistiques bourgeoises ne distinguent pas travail productif et improductif. Même ainsi, nous pouvons obtenir cet indicateur de manière relativement grossière, ce qui suffit déjà du point de vue des grandes tendances. Les étapes principales de la méthodologie utilisée sont a) l’obtention de la valeur totale produite au plan national : soustraction de la dépréciation du capital fixe du PIB, b) des séries ajustées de la journée moyenne de travail au plan national (utilisées antérieurement) et de la population occupée, on obtient un coefficient dont la grandeur dépend du total annuel d’heures moyennes travaillées par travailleur occupé (pour considérer la quantité totale d’heures moyennes travaillées annuellement) ; c) ce coefficient est appliqué à la population occupée ; d) division du PIB par le résultat de l’étape c).

[10] Le renminbi (« monnaie du peuple ») est la monnaie de Chine dont l’unité est le Yuan.

[11] Cela rend la question de l’appréciation de la monnaie chinoise plus contradictoire. Du point de vue de la production de plus-value relative, du taux de plus-value, le libre échange est la solution optimale car elle permet d’obtenir les marchandises à plus bas prix. Le capital étasunien y trouvera donc le plus grand avantage. Mais, dès lors que cette production ruine la production nationale et avec elle la masse de la plus-value  produite est menacée, d’où des pressions protectionnistes et pour l’appréciation du rapport renbimbi/dollar – en conformité avec l’action de la loi de la valeur à l’échelle internationale-

[12] Ainsi, la « domination du «capital financier » » ne serait pas là où le marxisme vulgaire la situe habituellement !!

[13] 2.260 milliards de dollars contre 532 milliards de dollars selon certaines sources.

[14] L’augmentation de la valeur des marchandises en Chine provoque l’augmentation des coûts de production, incluant le salaire. Devant cette augmentation, l’introduction de nouvelles techniques assises sur une composition technique du capital plus élevée provoquerait une augmentation des coûts de production et ne serait pas rentable. Avec cette augmentation, l’introduction de ces nouvelles techniques, qui permettent de faire des économies sur le capital avancé comme salaire, en diminuant le nombre d’opérations nécessaires à la production (augmentation de la composition organique du capital et de la productivité du travail), peuvent diminuer les coûts de production dès lors que l’accroissement dans la valeur dépensée pour l’introduction de ces techniques soit inférieur à l’économie faite sur les salaires.

[15] Un exemple tiré du livre II « La production capitaliste ne peut pas exister sans commerce extérieur » (Marx, Capital Livre II, section III, La reproduction de la matière monétaire).

[16] Un passage synthétique sur la question : « La péréquation des valeurs par les temps de travail et, encore moins celle des prix de production en un taux général de profit n’existe pas sous cette forme immédiate entre pays différents. » (Marx, Théories sur la plus-value, T.2 – Théorie de Ricardo et de Smith sur le coût de production).